Resumé |
Le fétichisme s'inscrit dans un lignage épistémologique fait d'emprunts et d'assimilations où les disciplines qui s'en emparent se trouvent transvaluées, dans leurs méthodologies et leurs dogmes, à mesure qu'elles s'en saisissent pour penser des phénomènes internes à leur champ. « Paradigme des perversions » pour Freud, « Perversion des perversions » pour Lacan, le fétichisme joue un rôle décisif dans la constitution des appareils théoriques métapsychologiques permettant l'analyse des variations érotiques, mais aussi du rapport du sujet à l'objet dans une acception plus universelle. Ces modèles conservent-ils leur pertinence lorsque le fétichisme n'est plus un item déterminé dans l'espace mais une surface dont s'enveloppe le sujet pour éprouver son corps différemment et en modifier l'image ? Qu'en est-il quand la vocation du fétiche n'est plus seulement de favoriser la jouissance mais s'emploie comme un épiderme supplémentaire mobilisé au quotidien, dans des contextes excédant la sphère sexuelle ? Cette recherche questionne l'utilisation de matières artificielles dans un fétichisme d'allure nouvelle, permis par des évolutions industrielles récentes, non exclusivement érotiques. Des productions qui engagent l'ensemble de la corporéité, de la sensorialité à sa représentativité. Notre méthodologie repose sur une série d'entretiens cliniques et une réévaluation comparative de corpus freudiens, postfreudiens et lacaniens. La spécificité du concept de fétichisme, au croisement de l'individuel et du collectif, nous imposera de faire retour à ses origines sociologiques et anthropologiques, à plus forte raison que ce sont ces disciplines qui aujourd'hui réinvestissent cet objet d'étude délaissé par la psychanalyse contemporaine, pour l'historiciser, en désigner les formes actuelles et leurs soubassements culturels et politiques, en contrecarrer les instrumentalisations normatives. L'hypothèse d'un néofétichisme dont nous remarquons les destins dans la vie psychique du sujet singulier comme au sein la société postmoderne permet dès lors de réfléchir au devenir du concept de perversion, notamment dans l'abord des sexualités minorisées. |