Resumé |
Les systèmes volcaniques rift-caldera basaltiques fournissent les conditions propices à l'étude de plusieurs processus volcaniques, comme le transport de magma, les effondrements de caldera et le remplissage magmatique. Certaines des plus grandes calderas dans le monde, cependant, sont situées dans des régions isolées dont l'accès peut être dangereux ou logistiquement complexe. La télédétection des déformations du sol, du dégazage et des anomalies thermiques, offre une alternative pour y suivre l'activité volcanique. Ambrym, une île volcanique du Vanuatu isolée mais très active, a subi de nombreux épisodes de déformation du sol au cours des 20 dernières années. Depuis 2015, deux éruptions ont eu lieu à l'intérieur de sa caldera de 12 km de diamètre. La première éruption a eu lieu après 15 ans de dégazage passif et d'activité des lacs de lave. L'éruption la plus récente, en décembre 2018, a vidangé les lacs de lave des cratères sommitaux, provoquant l'intrusion d'un volume >0.4 km3 dans la zone de rift sud-est. Le dike engendré a parcouru une distance de plus de 20 km, et s'est ouvert de plus de 4 mètres en profondeur. La vidange du magma a produit une subsidence de la caldera à grande échelle, associée à une activation des failles bordant la caldera, et a alimenté une éruption sous-marine de ponces basaltiques. Une éruption plus modeste a eu lieu en février 2015, activant également une portion de la caldera, et extrayant du magma depuis une chambre située à une profondeur de ~4.1 km. Ces deux événements confirment que les failles bordières de la caldera d'Ambrym sont des structures actives. L'activité de ces failles contribue à la topographie de la caldera d'Ambrym, dont le mécanisme de formation est discuté (éruption Plinienne initiale à 2ka, suivie d'éruptions phréatomagmatiques). La détection d'une activation des failles de caldera par la géodésie spatiale nous permet de formuler l'hypothèse que des centaines d'intrusions de tailles modérées à grandes peuvent contribuer à un approfondissement de la caldera, en drainant le magma stocké temporairement sous la caldera d'Ambrym. Outre ces deux événements éruptifs majeurs, nous mettons en évidence deux épisodes (2004-2007, 2015-2017) de subsidence rapide (~10 cm an-1), mesurés par InSAR. Aucune de ces deux périodes n'est associée à une éruption répertoriée. A partir des informations glanées au cours des éruptions de 2015 et 2018 (e.g., la profondeur des zones de stockage, le volume des intrusions, la relation entre l'activité éruptive et les lacs de lave), nous explorons les mécanismes physiques pouvant expliquer cette subsidence inter-éruptive. L'épisode de 2004-2007 est probablement associé à une intrusion de dike (en l'absence d'éruption), engendrant la dépressurisation d'un sill superficiel, hydrauliquement connecté aux lacs de lave. A partir d'un modèle théorique proposé par Girona et al, 2014, en couplant le dégazage passif (mesuré par spectroscopie satellitaire) et la dépressurisation du réservoir magmatique (déduite de la géodésie spatiale), nous proposons que l'épisode de 2015-2017 ait pour origine la dépressurisation d'un réservoir magmatique de grande taille (>10 km3). Par contraste, de courtes périodes de soulèvement pourraient être limité aux périodes de temps pendant lesquelles le système est fermé, par exemple en 2019-2020 après l'épisode de vidange des lacs de lave en 2018, et potentiellement en 2007-2010 à la suite d'un événement d'intrusion non répertorié en 2005. En comparant les phases de regain d'activité d'Ambrym avec celles observées dans les autres systèmes rift-caldera basaltiques (K¿lauea, Bárðarbunga, Sierra Negra, etc.), les résultats obtenus dans cette dissertation permettent de mieux comprendre l'activité des lacs de lave, le développement de la caldera, les processus de déformation induits par le dégazage, le remplissage magmatique, et la géométrie et le fonctionnement des systèmes rift-caldera basaltiques. |