Mots clés |
Bothrops, Echis, Antivenin, Test viscoélastique, Test de génération de thrombine, Fibrinogène, Fibrinolyse, Inflammation, Temps de coagulation sur tube sec, Schizocyte |
Resumé |
Les troubles de l'hémostase constituent l'une des atteintes majeures observées au cours des envenimations par Viperidae. Ces troubles peuvent se traduire cliniquement par des saignements, plus rarement par des microangiopathies thrombotiques (MAT) ou des thromboses des grands vaisseaux. La physiopathologie de ces atteintes thrombotiques reste inconnue. L'antivenin, dont le rôle est de neutraliser le venin, est le seul traitement étiologique de ces différentes complications. Toutefois des saignements et des MAT peuvent persister, apparaître ou récidiver sous traitement, tandis que peu de travaux se sont intéressés à l'évolution des troubles de l'hémostase après l'administration de l'antivenin. Nous avons d'abord utilisé une approche expérimentale afin de décrire les différences biologiques observées avec le venin de Bothrops atrox, responsable de saignements, et le venin de B. lanceolatus, responsable de thromboses. Une étude in vitro par ROTEM sur sang total a permis de montrer que les deux venins avaient un effet similaire, provoquant une hypercoagulabilité dose-dépendante. L'activité prococagulante du venin de B. lanceolatus était complètement dépendante du calcium, ce qui explique l'absence apparente d'effet lors des premières publications ayant uniquement étudié ce venin sur plasma décalcifié. Différents antivenins (Bothrofav, Inoserp South America, Antivipmyn TRI et PoliVal-ICP) étaient tous capables de neutraliser in vitro cette activité procoagulante, le Bothrofav étant le plus efficace sur les deux venins. La mise en point d'un modèle animal nous a permis de montrer qu'une augmentation de la génération de thrombine et une consommation du fibrinogène survenaient dans les premières heures avec les deux venins. Le venin de B. atrox provoquait en plus une thrombopénie et une hypocoagulabilité sur le ROTEM favorisant la survenue potentielle d'un saignement. A l'inverse une hyperfibrinogénémie tardive était observée avec le venin de B. lanceolatus et accompagnée d'une génération excessive de fibrine et d'une inflammation systémique avec augmentation d'IL-6, TNF-alpha, MCP-1 et PAI-1 exposant secondairement à un risque thrombotique. Nous avons eu ensuite recours à une approche clinique afin de décrire les troubles hématologiques de 19 patients envenimés par Echis ocellatus au Bénin, la plupart présentant des saignements. A l'admission, l'analyse par Quantra, un automate de viscoélastométrie basé sur le principe de la sonorhéométrie, a montré une absence de caillot, témoin de la consommation majeure des facteurs de coagulation et du fibrinogène. Les autres anomalies biologiques étaient une diminution du nombre de plaquettes et de la sélectine P, une augmentation des schizocytes, du VCAM-1 et des leucocytes/neutrophiles. Au cours des 72 premières heures, les paramètres du Quantra se normalisaient progressivement mais l'absence de caillot pouvait persister pendant au moins toute cette période. Une hyperfibrinolyse était mise en évidence dans les 8 premières heures après antivenin chez certains patients. La lecture cumulée à différents temps permettait d'augmenter la sensibilité du temps de coagulation sur tube sec (TCTS). Un taux de schizocytes supérieur ou égal à 1 % au cours du suivi était parfois observé en cas de persistance ou de récidive de la coagulopathie diagnostiquée par le Quantra. Cette double approche nous a permis de montrer que l'atteinte de l'hémostase induite par l'envenimation par Viperidae est un processus dynamique exposant à la fois au risque hémorragique et thrombotique. Les tests viscoélastiques évaluent la plupart des composantes impliquées tandis que le TCTS avec une lecture séquentielle offre la possibilité de monitorer la coagulopathie même en l'absence de laboratoire. L'existence de troubles persistants de l'hémostase sous antivenin chez la plupart des patients suggère l'intérêt potentiel d'un traitement complémentaire tels que le plasma frais congelé ou les anti-fibrinolytiques. |