Mots clés |
Anorexie mentale, Ghréline, LEAP-2, Dévaluation temporelle, Récompense, Psychiatrie translationnelle |
Resumé |
L'anorexie mentale (AM) est reconnue aujourd'hui comme un trouble métabo-psychiatrique, intégrant à sa physiopathologie le rôle de facteurs métaboliques signalisant un état de dénutrition secondaire à la restriction alimentaire. Ces neuropeptides possèdent une action centrale sur les voies hypothalamiques mais aussi dopaminergiques du système de la récompense, impliqué notamment dans les comportements compulsifs observés dans l'AM. L'objectif de ce travail est d'explorer les liens entre la modulation des facteurs métaboliques régulateurs de l'appétit et anomalies de la récompense spécifiques de l'AM, telle que la faible sensibilité à la dévaluation temporelle. Nous avons exploré l'évolution des concentrations de ghréline, peptide orexigène synthétisé par l'estomac en réponse au jeûne, et de son antagoniste anorexigène LEAP-2 (Liver Expressing Antimicrobial Peptide 2) au cours d'une étude longitudinale incluant des patientes souffrant d'AM avant et après renutrition en hospitalisation. Les concentrations plasmatiques de LEAP-2 étaient plus élevées à l'arrivée en hospitalisation et diminuaient avec la renutrition. Les patientes qui présentaient un état de rémission instable, défini par une perte de poids dans les 6 mois suivants, présentaient la plus forte diminution des taux de LEAP-2 au cours de la renutrition. Afin d'explorer les modifications comportementales associées à la dénutrition prolongée, nous avons utilisé un modèle murin exposant des souris femelles à une restriction alimentaire quantitative prolongée sur une durée de 15 jours, associée ou non à une activité physique. Un premier travail publié a exploré la préférence pour l'activité physique chez des souris en restriction alimentaire. Celle-ci était majorée et corrélée à leur état nutritionnel et notamment à l'élévation des concentrations plasmatiques de ghréline, mais ne persistait pas après renutrition. Nous avons évalué les comportements orientés vers une récompense chez ce modèle animal en mettant point un test de dévaluation temporelle ou Delayed Discounting Task (DDT). Ce test est adapté d'un test neuropsychologique utilisé en clinique qui a permis de souligner un profil spécifique chez les patientes souffrant d'AM qui semblent peu sensibles à la dévaluation temporelle. Chez notre modèle, l'animal est exposé à un choix entre une petite récompense immédiate et une grosse récompense obtenue avec un délai. La restriction alimentaire entraine une augmentation significative de la sensibilité pour la dévaluation temporelle et un choix pour la récompense immédiate chez les souris par rapport aux contrôles. Nous avons ensuite étudié les performances en DDT de patientes souffrant de troubles du comportement alimentaires afin d'identifier des marqueurs cliniques, biologiques et neuropsychologiques associés à une faible sensibilité à la dévaluation temporelle. Enfin, l'étude longitudinale en cours nous permettra d'explorer l'évolution des comportements des patientes en DDT avant et après renutrition en hospitalisation, et de les corréler avec les concentrations plasmatiques de ghréline et de LEAP-2. Ces travaux s'intégrant dans une approche translationnelle ont montré que les patientes souffrant d'AM semblent présenter des anomalies dans la signalisation métabolique de l'état de dénutrition, plus particulièrement chez les patientes à risque de rechute précoce. Par ailleurs, les comportements compulsifs telles que l'activité physique semblent corrélée aux marqueurs métaboliques de dénutrition. Cependant, les anomalies de la récompense caractéristiques de l'AM ne sont pas identifiées chez des modèles animaux de restriction prolongée, et pourraient être favorisée par les anomalies de régulation du LEAP-2 observées chez ces patientes. Des études complémentaires devront s'intéresser aux conséquences directes d'une élévation de LEAP-2 sur les comportements orientés vers la récompense. |