Resumé |
Depuis le début des années 80, la notion de communauté a connu une fortune paradoxale : elle est au centre de réflexions philosophiques, de Jean-Luc Nancy à Giorgio Agamben, comme de discours politiques, de la communauté nationale aux multiples communautés, alors même que l'affaiblissement général des liens sociaux fait consensus. Prise comme objet de la sociologie naissante par Ferdinand Tönnies un siècle plus tôt pour penser les mutations de l'Europe industrielle, la communauté permet à nouveaux frais de comprendre l'expérience contemporaine d'être « seuls, ensemble ». De nombreux récits français récents se font l'écho du défaut et du désir d'appartenance. Ceux de Marie NDiaye, de Laurent Mauvignier, de Maylis de Kerangal, d'Arno Bertina et d'Olivier Cadiot mettent ainsi en scène des personnages à la fois déracinés et cherchant à intégrer un groupe, qu'il soit professionnel, familial, social ou national. Ces fictions de l'appartenance constatent-elles une aporie ou proposent-elles des alternatives communautaires ? Il s'agit d'étudier dans ce corpus l'articulation des sphères de l'appartenance et les déclinaisons du hiatus entre l'individu et le collectif. Seront envisagés les motifs et les valeurs (notamment la fraternité et le corps social) attachés à la notion de communauté, ainsi que les différents paradigmes qui informent les textes littéraires, du côté de la minorité (dans un renouvellement de l'humanisme auquel se rattache une partie de l'histoire du roman) mais aussi du côté de la majorité (dans un questionnement sur les normes). Informée par des réflexions philosophiques, sociologiques et littéraires, au croisement de l'histoire des représentations et de micro-lectures stylistiques, cette thèse dégage des imaginaires de la communauté aujourd'hui. Elle montre un double transfert, celui d'un modèle de transmission généalogique des valeurs à un modèle plus spatial d'interdépendance, et celui d'un paradigme politique à un paradigme éthique de la représentation romanesque. |