Mots clés |
Foie, Stéatopathie métabolique, Carcinome hépatocellulaire, DNA damage response, Altération mitochondriale, Ploïdie hépatocellulaire, Instabilité génomique |
Resumé |
La stéatopathie métabolique (Non-Alcoholic Fatty Liver Disease, NAFLD), caractérisée par une accumulation excessive de lipides dans le foie, et le carcinome hépatocellulaire (CHC) représentent une menace sérieuse pour la santé publique. Le laboratoire a précédemment démontré, à l'aide de modèles murins, que la division des hépatocytes stéatosiques (chargés en lipides) induit une activation de la réponse aux dommages à l'ADN et du point de contrôle G2/M avec endoréplication (alternance de phases G et S sans mitose). Celle-ci est un programme de division alternatif dans un contexte de stress génotoxique et conduit à la polyploïdisation (duplication génome-entier) des hépatocytes dans ce contexte. Mon doctorat avait pour objectifs (i) d'étudier la signalisation des dommages à l'ADN dans la NAFLD, en particulier la branche ATM-dépendante et (ii) de caractériser du point de vue pathologique et moléculaire les CHC selon leur profil de ploïdie nucléaire. Nous avons montré dans un premier temps l'accumulation de lésions de l'ADN induites par la réplication au sein d'hépatocytes murins primaires en prolifération et surchargés en lipides. Une analyse RNA-seq sur une cohorte de patients NAFLD (données en accès public), a permis de confirmer l'installation précoce des altérations de la réplication et d'indiquer l'activation de points de contrôle des dommages à l'ADN à un stade plus avancé de la maladie. Par ailleurs, la délétion hépato-spécifique de la kinase ATM, protéine indispensable dans la réparation de l'ADN, aggrave les lésions histologiques et favorise la lipotoxicité dans un modèle murin diététique de NAFLD. Une analyse métabolomique sur foie total a montré en outre une altération de plusieurs voies : catabolisme mitochondrial des acides gras, cycle de Krebs et synthèse des nucléotides. Les perturbations mitochondriales ont été validées par une signature RNA-seq et analyse SeaHorse sur culture primaire avec anomalies de la respiration et fuite de protons. Des premières données indiquent une convergence d'anomalies du cycle de Krebs et du métabolisme énergétique et une approche de profilage des isotopologues avec du glucose marqué a été réalisée pour explorer l'utilisation intra-hépatocytaire du glucose dans les mutants ATM. L'axe 2 a conduit à développer une nouvelle méthode haut débit de pathologie digitale pour le profilage de la ploïdie nucléaire des CHC et la cartographie des contingents hyperploïdes, directement sur les sections histologiques des tumeurs. Appliquée à une cohorte d'environ 100 patients, nous avons confirmé l'existence de deux classes majeures de CHC, diploïde et hyperploïde, déjà identifiées par le laboratoire selon une autre approche. Outre des différences notables clinico-pathologiques et mutationnelles (mutations TP53 et haut grade des CHC hyperploïdes), une comparaison RNA-seq a révélé une association positive entre hyperploïdisation et propriétés souches (stemness) ainsi qu'une signature prognostique défavorable avec appartenance à la classe dite « proliférative » des CHC hyperploïdes (groupes G1-G3 selon Boyault et al.). Une troisième catégorie hétérogène de CHC a été identifiée avec présence de clones hyperploïdes qui émergent sur fond diploïde prédominant et qui présentent une signature d'instabilité génomique (RNA-seq). Une analyse de transcriptomique spatiale est en cours de manière à étudier plus finement l'interface hyperploïde-diploïde et le micro-environnement immunitaire dans chacun de ces compartiments. Dans l'ensemble, mon doctorat indique qu'une altération de la réponse aux dommages à l'ADN accompagne la progression de la NAFLD avec une hausse de la génotoxicité. La kinase ATM exerce un effet protecteur par ses multiples rôles en garantissant l'homéostasie métabolique. Par ailleurs, les altérations de la ploïdie nucléaire au sein des CHC représentent les stigmates d'une instabilité génomique et participent à l'hétérogénéité intra-tumorale et probablement à la progression tumorale. |