Resumé |
Cryptococcus neoformans est un pathogène fongique responsable de méningoencéphalites principalement chez des patients immunodéprimés. Cette levure peut s'adapter à divers habitats, produisant des facteurs de virulences et échapper au système immunitaire. Cela implique des mécanismes complexes de régulation des gènes, qui n'ont pas encore été entièrement compris. Diverses stratégies de séquençage de l'ARN ont révélé une organisation complexe des gènes et une plasticité spectaculaire du transcriptome de Cryptococcus. Les analyses de données de TSS-Seq ont révélés des milliers de gènes possédant plus d'un site de début de transcription (TSS ; Transcription Start Site) semblant être utilisés alternativement selon les conditions de croissance. Ce phénomène génétique, qui pourrait contribuer à la pathogénicité de Cryptococcus, restait à étudier. Une analyse globale des données TSS-seq a été effectuée pour évaluer l'importance de l'utilisation alternative du TSS chez Cryptococcus. J'ai utilisé des approches bioinformatiques adaptées pour définir la structure typique d'un cluster de TSS dans cette levure. L'impact de l'utilisation de TSS alternatif (aTSS) sur le transcriptome et le protéome a ensuite été analysé. J'ai pu montrer que 33% des gènes codants ont au moins un aTSS participant potentiellement à la diversité de transcriptome et de protéome. Certains aTSSs peuvent réguler la taille de la séquence leader de transcription et donc la stabilité de l'ARNm, tandis que d'autres sont très proches du codon start et peuvent réguler la séquence N-terminale et le ciblage subcellulaire de la protéine traduite. De nombreux TSS sont également situés en aval du codon start. Ces aTSSs favorisent la synthèse des transcrits qui ont été nommés TRASS (Transcript Resulting from Alternative Start Site). Nous avons utilisé une approche N-terminomique pour identifier plusieurs peptides qui pourraient être le produit de la traduction TRASS, fournissant ainsi la preuve du potentiel codant de certains de ces isoformes d'ARNm. Mon analyse a démontré que pour 10% des gènes codants l'utilisation de aTSS est régulée en réponse à des changements de température ou de phase de croissance. Néanmoins, les mécanismes régulant l'utilisation des aTSS chez Cryptococcus restaient inconnus. Comme il était prévisible que certains facteurs de transcription (TF) pourraient être des régulateurs clés dans ce processus, j'ai criblé une collection de souches mutantes de TF à la recherche de gènes régulant l'utilisation des aTSS. J'ai effectué des tests RT-qPCR à un locus génétique témoin où l'utilisation de TSS est régulée par la phase de croissance chez la souche sauvage. J'ai ainsi identifié un facteur de transcription unique nommé TUR1 (TSS Usage Regulator 1) nécessaire pour la régulation de l'utilisation d'un aTSS à ce locus. L'analyse TSS-Seq menée chez une souche mutante tur1Delta a révélé que Tur1 est le régulateur global de l'utilisation des aTSS lorsque la cellule passe de la phase exponentielle à la phase stationnaire. De plus, les analyses ChIP-PCR suggèrent un effet direct de ce TF sur les gènes cibles. Tur1 semble donc réguler ce changement majeur dans la physiologie cellulaire en modifiant l'utilisation des aTSS à certains gènes spécifiques. Enfin, j'ai constaté que beaucoup de ces gènes codent des fonctions liées à la réponse au stress oxydatif. En accord avec cette observation, une souche mutante tur1Delta est sensible à certains inhibiteurs mitochondriaux. Elle est aussi phagocytée plus efficacement par les macrophages que la souche WT. Ces résultats s'accordent bien avec le fait que ce gène avait été précédemment identifié comme important pour la virulence de Cryptococcus dans un modèle d'infection murin. Ces travaux ont permis d'identifier un nouveau mécanisme de régulation de la structure du transcriptome et du protéome de Cryptococcus influant sur la biologie et la virulence de ce pathogène fongique majeur. |