Mots clés |
Trafic de phospholipides, Système Mla, Biogénèse de l'OM, Transition monoderme-diderme, Firmicutes didermes, Microbiologie évolutive |
Resumé |
Le périplasme aqueux de l'enveloppe bactérienne diderme constitue un obstacle unique qui est contourné par l'adaptation des systèmes de transport membranaire. Sans les chaperons spécialisés (ou "bateaux") de ces systèmes de transport, les composés comportant des groupes hydrophobes s'agrégeraient lors du transit entre les membranes, ce qui est particulièrement vrai pour les phospholipides (PL), le composant amphipathique le plus omniprésent des bicouches membranaires. Malgré des recherches approfondies sur la voie du maintien de l'asymétrie lipidique (Mla), découverte chez E. coli en tant que système de transport rétrograde des PL, de nombreuses questions sur ce système restent en suspens - de la spécificité et de la directionnalité du substrat à l'évolution de ce système de trafic à travers diverses lignées bactériennes. Pour étudier ces questions, nous utilisons Veillonella parvula comme nouveau modèle - un membre du phylum des Firmicutes, typiquement monoderme, mais qui contient étonnamment une membrane externe (OM). Le système membranaire de V. parvula semble "simplifié" par rapport aux didermes modèles tels que E. coli, car il contient moins de composants, et des analyses phylogénomiques supportent l'idée que l'enveloppe diderme est une caractéristique ancestrale de ce phylum. Nous avons donc étudié le système Mla chez V. parvula, qui ne contient que trois des six homologues de E. coli - les protéines de la membrane interne (IM) MlaEFD. Les mutants de délétion présentent une asymétrie lipidique perturbée, avec une hypersensibilité aux détergents et un phénotype d'hyper-vésiculation. Nous observons un enrichissement en PL dans les vésicules de la membrane externe (OMV) produites par les mutants Δmla, ce qui suggère que ce système fonctionne de manière rétrograde, comme c'est le cas dans les didermes modèles. Mais comment seulement trois protéines de l'IM peuvent-elles faciliter le transport des PL à partir de l'OM ? Nos modélisations in silico et la détection de MlaD dans des fractionnements membranaires suggèrent que MlaD chez V. parvula forme un pont trans-enveloppe allongé, avec des domaines ancrés à la fois dans l'IM et l'OM. Cette structure supprimerait le besoin d'un bateau pour transporter les PLs en fournissant un contact direct entre les deux membranes, et pourrait expliquer pourquoi V. parvula ne possède pas les composants Mla "manquants". De manière surprenante, nos analyses phylogénétiques sur la distribution taxonomique de ces gènes mla révèlent que mlaEFD constitue le noyau ancestral du système, tandis que mlaABC est limité aux Protéobactéries et a probablement évolué plus tard. Tout en découvrant de nouvelles informations fonctionnelles sur le trafic de PL dans un organisme non-modèle, ce travail élucide également l'évolution d'un système de transport membranaire conservé, et remet en question le paradigme selon lequel E. coli est représentatif du royaume bactérien. |