Résistance antimicrobienne, Escherichia coli, Blse, One-Health, Madagascar

La résistance bactérienne aux antibiotiques est progressivement devenue un problème majeur de santé publique. Aujourd'hui elle n'est plus considérée comme une menace pour la santé humaine uniquement, son impact pour la santé animale et environnementale est également pris en compte. Cependant les études de surveillance trans-sectorielle de la résistance sont rares, particulièrement dans les pays en voie de développement. Dans ce contexte, l'Organisation Mondiale de la Santé a élaboré un protocole de surveillance « One-Health », simplifié et intégré, appelé Tricycle qui se concentre sur un seul indicateur clé, la prévalence d'Escherichia coli producteur de bêta-lactamase à spectre étendu (E. coli-BLSE) chez l'homme (portage digestif chez des femmes enceintes), dans la chaine alimentaire (portage digestif chez des poulets d'élevage) et dans l'environnement (eaux de surface en amont et en aval de la capitale, effluents d'abattoir et eaux usées). Ce travail de thèse s'inscrit dans la mise en place du projet Tricycle en 2018, à Madagascar. Nos objectifs étaient (i) d'évaluer la prévalence d'E. coli-BLSE dans les trois secteurs à Madagascar, (ii) de caractériser, par séquençage de génome complet, les souches isolées et les éléments génétiques supports de la résistance et (iii) d'étudier les voies de circulation de la résistance bactérienne. Dans une première étude, nous nous sommes intéressés au portage digestif de 492 femmes enceintes de la capitale et de trois villes de province. Nous avons observé une prévalence d'E. coli-BLSE de 34% et identifié que la saison chaude était un facteur de risque de portage (OR = 3.3, 95% CI 2.2-4.9). Les gènes codant les BLSE était tous des blaCTX-M dont 85% de blaCTX-M-15. Nous avons observé une grande diversité génétique des isolats, avec 63 séquence types (ST) différents, appartenant principalement au phylogroupe A. Une dissémination clonale, à travers l'île, de souches de différents ST dont ST450, ST361 et ST542, a été mise en évidence ainsi que la circulation d'un plasmide IncY présent chez 23% des isolats. Dans une deuxième étude, nous avons analysé les E. coli-BLSE isolés des trois secteurs dans la capitale. Les prévalences étaient de 30% (86/289) chez les femmes enceintes, 57% (140/246) chez les poulets et 100% (28/28) dans les prélèvements environnementaux. Nous avons observé une importante diversité génétique avec 73 ST différents identifiés parmi les 277 isolats. Nous avons identifié une dissémination intra et intersectorielle de 44 clusters de 2 à 12 isolats génétiquement proches (<40 SNPs). Plus de la moitié (57%) des gènes blaCTX-M, étaient intégrés au sein du chromosome et les blaCTX-M plasmidiques étaient portés pour 57% et 35% par des plasmides de types IncF et IncY respectivement. Les plasmides IncF étaient répartis en 20 ST et portaient différents types de CTX-M. Près de la moitié des ST plasmidiques IncF étaient retrouvés dans au moins deux secteurs au sein de souches de fonds génétiques différents, parmi lesquels les plasmides [F31/36:A4:B1] et [F-:A-:B53], retrouvés dans les trois secteurs. A contrario, les plasmides IncY étaient hautement conservés, portaient exclusivement blaCTX-M-15 et étaient distribués dans tous les secteurs au sein de 34 E. coli génétiquement différents. Ce travail de thèse a permis de mettre en évidence une prévalence élevée d'E. coli-BLSE dans les trois secteurs à Madagascar. Grâce à la mise en place d'une surveillance épidémiologique de qualité sur une échelle temporo-spatiale réduite, nous avons pu observer une importante dissémination intra et intersectorielle d'E. coli-BLSE mais également de plasmides de type IncF et IncY circulant au sein d'isolats de fonds génétiques différents. Nos résultats confirment l'importance des études de surveillance dans une approche One Health qui sont un des points clés pour lutter contre la dissémination de la résistance et évaluer l'efficacité des mesures de lutte mises en place par les pouvoirs publiques.