Mots clés |
Lipides membranaires, Oméga-3, Cholestérol, Biomarqueurs, Modèle préclinique, Schizophrénie, Ultra-haut risque (UHR) |
Resumé |
Introduction : La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui touche environ 1% de la population et dont la physiopathologie reste incomprise. Des chercheurs ont proposé une stadification de la maladie (en s'inspirant ce qui est fait en oncologie). Ils ont ainsi caractérisé des sujets, appelés UHR (pour Ultra Haut Risque de psychose), qui ont un risque de transition psychotique estimé à 25% sur 3 ans. Le rôle des lipides membranaires (acides gras, phospholipides et stérols), et notamment des acides gras poly insaturés (AGPI) dans cette maladie est étudié depuis longtemps. Chez l'animal, des études ont montré l'importance des oméga-3 dans le neurodéveloppement, mais ces études avaient 2 problèmes : premièrement, elles compensaient systématiquement la diminution d'oméga-3 par une augmentation des oméga-6 sans prendre en compte les oméga-9 ; et deuxièmement elles utilisaient des carences très sévères inexistantes chez l'humain. Notre hypothèse est qu'une anomalie des lipides membranaires est un facteur de vulnérabilité à la psychose. L'objectif de notre travail est double : 1) étudier si les lipides membranaires peuvent servir de biomarqueurs pour aider à prédire la transition psychotique chez les patients UHR. 2) étudier, chez des rats Sprague Dawley, l'impact d'une alimentation avec des concentrations différentes en AGPI (oméga-3, 6 et 9) sur le comportement. Matériel et Méthodes : Nous avons analysé les lipides membranaires érythrocytaires de 61 sujets UHR de la cohorte ICAAR, à l'inclusion et à un second temps, en chromatographie liquide couplée à de la spectrométrie de masse : 29 converteurs (qui ont fait un 1er épisode psychotique) et 32 non converteurs. Pour l'animal, nous avons utilisé 164 rats mâles et femelles dont l'alimentation spécifique a débuté in utero. À l'adolescence, la moitié d'entre eux ont reçu du THC et l'autre moitié un placebo. Les tests comportementaux ont été effectués à l'âge adulte. Résultats : Chez les patients UHR, nous avons constaté qu'un acide gras oméga-6, l'acide linoléique, permet de distinguer 2 sous-groupes de patients avec un taux de transition psychotique significativement différent : 26% versus 61%, p=0.02. L'utilisation de l'ensemble des AGPI ou des phospholipides de manière séparée, permet de distinguer les converteurs des non converteurs avant transition psychotique (courbe ROC avec une aire sous la courbe (AUC) à 0.64 environ). Cette capacité de prédiction peut être améliorée (AUC de 0.73) en utilisant un profil lipidique intégrant différents types de lipides (acide gras + phospholipides+ stérols). Chez le rat, nous n'avons pas observé d'effet de l'injection de THC à l'adolescence sur le comportement à l'âge adulte. En revanche, on observe des différences modérées en fonction de l'alimentation avec 3 profils comportementaux différents. Conclusion : Notre travail chez l'humain suggère que les lipides membranaires peuvent être utilisés comme biomarqueurs pour identifier parmi les patients UHR ceux qui sont le plus à risque de transition psychotique. Nos données chez le rat suggèrent que l'apport alimentaire en AGPI a un rôle limité sur la cognition. Cependant, l'extrapolation des données pré cliniques à l'humain doit rester prudente. Ce travail soutient l'hypothèse que les lipides pourraient jouer un rôle, aux niveaux diagnostic et thérapeutique, pour aller vers une médecine personnalisée dans la psychose débutante. |