Mots clés |
Processus de parentalité, Maternité, Lien mère-Enfant, Développement précoce, Nurserie carcérale, Recherche qualitative, Culture |
Resumé |
En France, il existe des unités carcérales appelées « nurseries » et des cellules mères-enfants pouvant accueillir des détenues enceintes à partir de leur 6ème mois de grossesse, ou des mamans accompagnées de leurs enfants de moins de 18 mois. Au cours de la période périnatale, l'environnement matériel, familial, culturel et social joue un rôle crucial dans les aspects émotionnels, sensoriels et affectifs de la construction identitaire de la mère, du développement de son enfant et de la construction de la relation mère-enfant. Pourtant peu d'études se sont intéressées à l'impact potentiel de l'incarcération sur ces dyades. Notre recherche repose sur des entretiens semi-directifs de 25 mères et 5 femmes enceintes, incarcérées dans 13 nurseries carcérales de prisons françaises. Les données ont été analysées par l'analyse interprétative phénoménologique. A travers le prisme des mères, nous avons pu analyser l'expérience de leurs enfants et leur propre expérience de la maternité dans ces conditions, notamment sur un versant culturel. Nous avons mis en évidence que l'environnement carcéral pouvait avoir un impact négatif direct sur l'enfant via des atteintes sensorielles et émotionnelles. Mais également indirect via une atteinte émotionnelle de sa mère, pouvant ainsi altérer les capacités pare excitatrices de celle-ci censées pourtant limiter l'impact des violences environnementales sur l'enfant. L'environnement carcéral pourrait également venir perturber le lien mère-enfant. D'une part par l'altération de la mise en place du dialogue tonico-émotionnel reposant sur les capacités sensorielles de l'enfant, affectées par le milieu carcéral. D'autre part du fait du progressif ancrage émotionnel, social, et culturel de l'enfant dans l'environnement carcéral, bien différent du milieu originel de la mère et souvent rejeté par elle, créant un écart relationnel entre la mère et son enfant. De plus, l'environnement carcéral organisé pour accueillir une population donnée et y assurer une fonction donnée, celle de punir, semble en difficulté lorsque confronté à la double identité de ces femmes : à la fois mères et détenues. Cela donne lieu à une prise en charge unique et indifférenciée basée sur une stigmatisation infondée d'une détenue nécessairement violente et mauvaise mère. Sur le plan culturel, l'environnement carcéral empêche la transmission culturelle des pratiques de maternage et donne lieu à des pratiques culturelles hybrides, pouvant compliquer encore davantage l'accordage entre sa mère et son enfant et la qualité de la réinsertion de ces femmes et de leurs enfants à leur sortie. Au vu de ces résultats, la prise en charge des femmes enceintes ainsi que des mères et de leurs enfants au sein des nurseries carcérales nous semble peu optimale en l'état. Une restructuration du milieu de vie et des modalités de leur accueil nous semble indispensable, pour leur parentalité et le bien-être de leurs enfants. |