Mots clés |
Evolution phénotypique, Paléoclimats, Rongeurs, Musaraignes, Morphométrie géométrique, Maroc |
Resumé |
Le climat et l'environnement déterminent le contexte écologique dans lequel vivent les organismes, respectivement à l'échelle globale et locale. Le climat fait référence aux caractéristiques physiques de l'atmosphère tandis que l'environnement désigne le milieu de vie. En réponse à ces variations externes, les organismes peuvent présenter des changements phénotypiques. Dans cette thèse, nous explorons l'impact du climat et de l'environnement sur le phénotype des petits mammifères marocains. Nous considérons deux aspects du phénotype : le morphologique et le fonctionnel. Pour ce faire, nous avons étudié les restes de rongeurs et de musaraignes provenant du site archéologique El Harhoura 2 (Rabat, Maroc), exceptionnel pour sa richesse spécifique. Ce site est daté du Pléistocène supérieur à l'Holocène moyen, et, pour étendre la chronologie jusqu'à nos jours, du matériel actuel a été ajouté, fournissant une séquence phénotypique couvrant les 100 derniers ka. Le chapitre 1 évalue la variation morphologique des premières molaires inférieures et supérieures des rongeurs en relation avec les changements environnementaux. Nous montrons que ces différences morphologiques sont liées à la variation paléoenvironnementale enregistrée par les assemblages fauniques. Le chapitre 2 examine la réponse d'un trait fonctionnel, la force de morsure estimée des musaraignes, aux changements paléoenvironnementaux. Ce trait semble être un bon indicateur des transitions entre les environnements arides et humides, ce qui confirme le potentiel des traits fonctionnels à être des indicateurs paléoenvironnementaux pertinents. Le chapitre 3 présente une reconstruction des changements climatiques à EH2. Nous avons produit un ensemble de simulations paléoclimatiques correspondant aux couches stratigraphiques de notre site. La séquence climatique décrite par ces simulations nous permet de discuter et d'affiner le contexte chronologique et paléoenvironnemental de EH2. Le chapitre 4 explore la covariation entre les variations climatiques simulées précédemment et les traits morphologiques et fonctionnels des rongeurs et des musaraignes. L'ensemble des traits phénotypiques est significativement impacté par les changements climatiques,certainement via les ressources disponibles. L'impact du climat sur les aspects morphofonctionnels de la mandibule de la musaraigne n'est pas le même aujourd'hui que par le passé, ce qui suggère que d'autres pressions sélectives pourraient actuellement être à l'œuvre, possiblement liées aux perturbations anthropiques. Dans l'ensemble, ce travail souligne la complexité de la réponse phénotypique aux variations externes. Nos résultats suggèrent que les changements environnementaux à EH2 ont induit des variations morphologiques et fonctionnelles mineures, via adaptation et plasticité phénotypique, impliquant une éventuelle participation du comportement dans la réponse phénotypique. A l'inverse, les changements climatiques semblent avoir induit d'importantes réponses morphologiques et fonctionnelles, par adaptation et plasticité phénotypique. Se situant à l'intersection entre la biologie et la paléoclimatologie, cette étude introduit une nouvelle voie prometteuse d'aborder le climat en biologie évolutive et en archéologie. |