Mots clés |
Corps, Conversion, Douleur, Enfant, Adolescent, Rorschach, TAT |
Resumé |
Les symptômes de conversion, que Freud a jusqu'à la fin de sa vie qualifiés de « mystérieux », continuent aujourd'hui de susciter de nombreux questionnements. L'un d'entre eux concerne le rapport qu'ils entretiennent avec la douleur : si les douleurs sans étiologie médicale retrouvée sont parfois considérées comme des symptômes de conversion au même titre que les symptômes sensori-moteurs, elles semblent pouvoir correspondre à des pathogénies variées (névrose d'angoisse, hypocondrie, manifestations psychosomatiques...). À l'appui de ce constat, nous faisons l'hypothèse que là où les symptômes sensori-moteurs représenteraient le résultat d'un mécanisme de conversion pouvant être sous-tendu par des registres conflictuels divers mais impliquant nécessairement une dimension d'expression symbolique de ces conflits, les symptômes douloureux pourraient quant à eux s'inscrire le long d'un continuum allant d'un pôle conversif, marqué par cette valeur symbolique, à un pôle non conversif, porteur d'une valeur moins symbolique qu'économique - étant cependant entendu qu'il existerait des possibilités de passage d'un pôle à l'autre. Au pôle conversif, les symptômes seraient sous-tendus par de bonnes capacités d'élaboration psychique de l'excitation, des enveloppes psychiques relativement solides et souples et de bonnes capacités à s'appuyer sur un objet psychique interne ; au pôle non conversif, ils seraient sous-tendus par des difficultés d'élaboration psychique de l'excitation, des enveloppes psychiques marquées par la fragilité et des difficultés à s'appuyer sur un objet psychique interne.Afin de mettre nos hypothèses à l'épreuve, nous avons, dans le cadre d'une vaste recherche mise en place par le Dr Lisa Ouss à l'hôpital Necker-Enfants malades, rencontré 27 enfants et adolescents âgés de 8 à 15 ans et présentant un trouble de conversion ou un trouble douloureux (diagnostics DSM-IV-TR) ; 8 présentaient des symptômes exclusivement sensori-moteurs, 11 des symptômes à la fois sensori-moteurs et douloureux, et 8 des symptômes exclusivement douloureux. Nous avons recueilli et analysé les données issues des entretiens et des épreuves projectives (Rorschach et TAT) de chaque patient dans une perspective psychodynamique, puis avons procédé à des comparaisons inter-groupes.Les résultats montrent que les patients présentant des symptômes sensori-moteurs (accompagnés ou non de symptômes douloureux) disposent de capacités d'élaboration psychique et de capacités à s'appuyer sur un objet psychique interne significativement meilleures que les patients présentant des symptômes exclusivement douloureux, ce qui tend à confirmer notre hypothèse de départ ; il n'existe en revanche pas de différence significative entre les groupes en matière de qualité des enveloppes psychiques. Les résultats montrent en outre que les (pré)adolescents (11-15 ans) disposent de capacités d'élaboration psychique et de capacités à s'appuyer sur un objet psychique interne significativement meilleures que les enfants en période de latence (8-10 ans), et que les filles disposent de capacités d'élaboration psychique, de capacités à s'appuyer sur un objet psychique interne et d'une solidité des enveloppes psychiques significativement meilleures que les garçons. |