Resumé |
Cette thèse est le fruit d'une enquête historique et anthropologique sur les sciences de la vie. Il s'agit de questionner les sciences sous l'angle de la matérialité des pratiques, comme un ensemble d'activités et d'institutions caractéristiques de l'époque moderne. Pour cela, nous avons retracé le parcours scientifique d'un animal singulier, un mollusque marin : la limace aplysie. Le choix d'un tel animal a été guidé par l'importance particulière accordée à l'aplysie par une partie de la communauté des neurobiologistes durant la seconde moitié du XXème siècle. La limace est alors devenue célèbre auprès des biologistes et même au-delà du monde scientifique, après que le neurobiologiste Eric Kandel se soit approprié l'animal pour en faire le modèle phare de ses recherches sur la mémoire à l'échelle des neurones, durant environ un demi-siècle. Le succès de ses travaux, rarement égalé dans son champ de recherche, sera récompensé par le prix Nobel en 2000. Notre histoire commence néanmoins au XVIème siècle, nous décrivons ainsi comment l'aplysie est devenue un objet d'étude pour l'histoire naturelle, puis un animal scientifique pour la biologie naissante. Nous nous focalisons enfin principalement sur la transformation de l'aplysie en un modèle pour la neurobiologie. Nous retraçons ainsi le parcours de domestication de l'aplysie, dont les étapes correspondent à la domestication de la nature par les sciences de la vie, et reflètent les évolutions de la modernité industrielle. En parallèle de ce travail historique, rédigé à partir de sources écrites, des ouvrages scientifiques, des autobiographies et de nombreux articles publiés dans des revues spécialisées, nous avons aussi mené une enquête de terrain selon la méthode de l'observation participante. Pour réaliser cette ethnographie, nous avons passé six mois environ dans un laboratoire de neurobiologie à Bordeaux, auprès de scientifiques dont les recherches sur l'aplysie prolongent et renouvellent celles initiées par Kandel dans les années 1960. |