Mots clés |
Développement, Préhension, Performance de saisies, Morphologie des membres, Évolution des primates, Portage maternel, Spécialisation hémisphérique |
Resumé |
L'environnement des jeunes primates constitue un réel challenge. Juste après la naissance, certains, comme les jeunes babouins olives (Papio anubis), doivent s'agripper fermement à leur mère qui continue à exercer tout son répertoire locomoteur. D'autres, comme le microcèbe murin (Microcebus murinus), s'accrochent aux mêmes substrats arboricoles utilisés par les adultes. Très tôt dans leur vie, les jeunes primates doivent fourrager les mêmes ressources et échapper aux mêmes prédateurs que les adultes. Dans ce contexte impliquant locomotion, manipulation de nourriture et interactions sociales, la fonction de préhension semble fondamentale à leur survie. Il est ainsi fort probable que de fortes capacités de préhension aient été sélectionnées très tôt dans la vie des primates. L'objectif de cette thèse a donc été d'explorer les potentielles stratégies développementales permettant d'offrir un système préhenseur performant aux juvéniles, en comparant deux espèces de primates aux expériences comportementales (i.e. port du bébé) et motrices (vie arboricole vs vie terrestre) bien différentes durant leur développement : le babouin olive et le microcèbe murin. Dans ce but, nous avons collecté, au cours du développement, des données comportementales (i.e., stratégies de saisies de nourriture & de substrats locomoteurs, latéralisation manuelle), de performance (i.e., force de traction) et morphologiques (i.e., dimensions des segments des membres antérieurs et postérieurs). Nos hypothèses prédisaient des transitions comportementales associées à des changements en termes de performance et de morphologie, qui pourraient compenser l'immaturité physiologique, et offrir aux juvéniles des systèmes préhenseurs performants. Nos résultats mettent en évidence l'acquisition très précoce d¿une fonction de préhension performante chez les deux espèces. À 8 jours, les jeunes microcèbes font déjà preuve d'une locomotion arboricole efficace grâce à un usage accru de puissantes postures de saisie du substrat par rapport aux adultes. Ces saisies de puissance sont associées à un niveau de force de traction similaire aux adultes (i.e., ~ 100% de la performance adulte, relativement à la masse corporelle), expliqué par des segments relativement plus longs chez les juvéniles. La haute performance de saisie des pieds permet même aux juvéniles de réaliser des saisies de proies mouvantes, mobilisant les deux mains, sur fins substrats arboricoles. Chez les jeunes babouins, les performances sont encore plus élevées (i.e. 200% de la performance adulte, relativement à la masse), correspondant à des phalanges et articulations des doigts relativement plus larges chez les juvéniles. La comparaison des deux espèces souligne l'effet du portage du jeune, un aspect souvent négligé lors des discussions sur l'origine des capacités de préhension des primates. Aussi, les différences observées entre les membres antérieurs et postérieurs illustrent davantage leurs différents rôles fonctionnels, ayant probablement évolués sous différentes pressions de sélection (manipulation et locomotion, respectivement). Aussi, nos résultats suggèrent fortement que les substrats fins et verticaux ont joué un rôle important dans la sélection de fortes capacités de préhension chez les primates. Enfin, notre travail s'est concentré sur l'émergence de la latéralité manuelle des saisies de nourriture chez les jeunes babouins, et sur le potentiel effet d'asymétries dans les manipulations maternelles. Nos résultats montrent que le portage maternel de l'enfant est fortement latéralisé à l'échelle de l'individu, et influence la latéralité manuelle du jeune pour les saisies, pendant au moins la période durant laquelle il est porté par sa mère. Cette étude s'ouvre sur un phénomène intriguant suite à la découverte d'un biais populationnel à gauche du portage maternel chez un singe de l'Ancien-Monde, reflet de la spécialisation de l'hémisphère droit dans le traitement des émotions, tout comme chez l'humain. |