Resumé |
Les unités fonctionnelles du rein, les néphrons, sont constituées du glomérule, structure de filtration du sang produisant l'urine, et du tubule, qui en détermine la composition. De par leur fonction, les cellules tubulaires de l'épithélium rénal sont soumises aux contraintes de cisaillement (SS) exercées par le flux de l'urine. Plusieurs structures cellulaires contribuent à la détection du flux : le cil primaire, les microvillosités et les complexes d'adhésion qui relayent les signaux au cytosquelette afin de réguler divers processus dont la différenciation cellulaire et les fonctions de la cellule rénale. La néphronophtise (NPH) est une néphropathie tubulo-interstitielle autosomique récessive conduisant à une insuffisance rénale terminale avant l'âge adulte. Les symptômes cliniques sont une polyurie/polydipsie, une réabsorption de sodium altérée et un retard de croissance. Histologiquement, elle se caractérise par un épaississement des membranes basales tubulaires, une fibrose interstitielle massive et diffuse, et des kystes à la jonction cortico-médullaire. À ce jour, 23 gènes ont été identifiés ; ils codent majoritairement pour des protéines localisées au cil primaire, organite chemo- et mécano-senseur, permettant la régulation de voies de signalisation essentielles au développement et à l'homéostasie tissulaire. Les gènes NPHP1 et NPHP4 sont les gènes majeurs de NPH et codent pour des protéines formant un complexe à la zone de transition du cil primaire, zone cruciale pour le maintien de l'intégrité de la composition ciliaire. Elles se localisent aussi aux jonctions cellulaires, où elles interagissent avec des composants de signalisation et des protéines associées au cytosquelette d'actine. A ce jour, les mécanismes physiopathologiques de la NPH ne sont pas clairement établis. En raison de leurs localisations particulières, nous nous sommes intéressés aux fonctions mécanosensorielles de NPHP1 et NPHP4. Pour cela, j'ai généré un modèle cellulaire de cellules rénales murines de canal collecteur (IMCD) invalidé pour Nphp1 ou Nphp4 (KO_Nphp), qui a été cultivé sous flux grâce à un système de microfluidique. J'ai d'abord étudié la réponse immédiate au SS en mesurant l'influx de calcium, et ai montré que les cellules KO_Nphp sont plus sensibles. Ensuite, j'ai étudié l'impact d'un SS prolongé (48h, 96h) auquel les cellules KO_Nphp sont capables de réagir, même si leur réponse n'est pas correctement régulée (ciliogenèse, remaniement d'actine). Afin d'explorer les changements d'expression génique que le SS induit, j'ai réalisé une étude transcriptomique à 48h de SS. Globalement, les cellules KO_Nphp présentent une signature au SS particulière, avec notamment l'activation de la voie de biosynthèse du cholestérol, voie qui jusqu'ici n'était pas connue pour être régulée par le SS. Au niveau de la cellule, le cholestérol joue un rôle majeur dans l'organisation, la dynamique et la fonction des membranes en influençant leurs propriétés physico-chimiques. En réalisant des marquages à la filipine, j'ai montré que la quantité de cholestérol intracellulaire augmente sous l'effet du SS, et que cette augmentation est abolie en présence d'un inhibiteur de la biosynthèse, la simvastatine. Par ailleurs, j'ai observé à 96h de SS, un rétro-contrôle négatif de la quantité globale de cholestérol, ce qui suggère un processus d'export de cholestérol. Les protéines NPHP1 et NPHP4 semblent impliquées dans les processus de régulation du cholestérol sous flux, avec pour NPHP4, un rôle dans l'activation de la biosynthèse du cholestérol, alors que NPHP1 pourrait intervenir dans le processus de rétro-contrôle de la quantité de cholestérol. Pour conclure, mes travaux de thèse ont montré que le SS activait la voie de biosynthèse du cholestérol, et que les protéines NPHP1 et NPHP4 pourraient intervenir dans ce processus, mettant ainsi en évidence un nouveau mécanisme physiopathologique pour la NPH, voire même des perspectives thérapeutiques. |