Resumé |
Selon les théories du raisonnement à double processus, le raisonnement humain résulte de l'interaction entre un système de pensée rapide, intuitif et automatique (le Système 1) et un système de pensée plus lent, analytique, et délibéré (le Système 2). D'après les théories principales, un raisonnement fondé repose sur une délibération réfléchie, issue du Système 2, afin de passer outre les intuitions erronées issues du Système 1. Ces dix dernières années, de nouveaux modèles remettant en question cette conception simpliste ont vu le jour. Le modèle de l'intuition logique propose que le Système 1 génère aussi des intuitions dites "logiques" qui peuvent également être à la base d'un raisonnement fondé sans l'intervention du Système 2. Bien que les éléments en faveur de ce modèle se soient accumulés au cours de la dernière décennie, l'idée que l'on puisse traiter la logique de manière intuitive reste controversée. Dans cette thèse, j'ai examiné les biais méthodologiques potentiels liés aux paradigmes expérimentaux qui ont permis l'émergence du modèle des intuitions logiques et j'ai poursuivi l'exploration de ses prédictions. Dans l'Étude 1, j'ai commencé par examiner la suggestion selon laquelle un raisonnement correct apparemment intuitif serait en fait dû à la délibération. Les études récentes en faveur du modèle des intuitions logiques utilisent le paradigme à deux réponses. Il faut donner une réponse rapide et intuitive à un problème de raisonnement, immédiatement suivie par une réponse délibérée, et ce, pour plusieurs problèmes. A travers la répétition des essais, l'intuition lors d'un essai donné pourrait alors bénéficier de la délibération à l'essai précédent. En manipulant l'ordre des essais intuitifs et délibérés, je n'ai pas trouvé d'indice suggérant que la performance aux essais intuitifs était meilleure lorsqu'ils étaient précédés par des essais délibérés. Dans l'Étude 2, j'ai éprouvé l'hypothèse selon laquelle la répétition des essais lors d'une expérience leur permettrait d'apprendre la tâche et ainsi de gonfler leur performance intuitive. J'ai présenté une centaine d'essais avec le paradigme à deux réponses à des participants mais, en moyenne, je n'ai pas trouvé d'amélioration significative de leur performance. Dans l'Étude 3, je me suis intéressé aux effets d'un feedback simple sur le raisonnement intuitif et délibéré. L'Étude 4 s'intéresse à la relation entre la capacité cognitive et les intuitions logiques. La capacité cognitive est liée à un meilleur raisonnement, et l'on a souvent implicitement supposé que c'était grâce à une meilleure délibération. Le modèle des intuitions logiques suggère que cela serait dû à de meilleures intuitions. Enfin, dans l'Étude 5, je me suis concentré sur l'origine des intuitions logiques. D'après le modèle, ces dernières se développent à travers l'enseignement et l'expérience, ce qui expliquerait l'amélioration du raisonnement observé avec l'âge. J'ai comparé la performance d'élèves de 5e et de Terminale afin de vérifier si cette amélioration pouvait s'expliquer par de meilleures intuitions. Cette thèse m'a permis de fournir un appui méthodologique aux travaux précédents en faveur du modèle des intuitions logiques, ainsi que de fournir les premiers éléments de preuve pour certaines de ses prédictions |