Mots clés |
Hémorragie du Post-Partum, Risque de mort, Expérience psychique, Traumatisme, Maternité |
Resumé |
Cette recherche explore les singularités de l'expérience de femmes qui risquent de mourir au moment où elles donnent la vie et leurs effets sur le devenir mère. L'Hémorragie du Post-Partum (HPP) est la principale cause de mortalité maternelle dans le monde. En France, sa fréquence varie de 5 à 10% des accouchements. Cette complication obstétricale est fortement redoutée par les équipes médicales et soignantes car sa survenue est soudaine et inattendue. Elle demande une prise en charge multidisciplinaire qui s'ajuste au fur et à mesure de sa gravité et de son évolution. Certaines femmes peuvent être transférées d'urgence dans une autre structure hospitalière disposant d'un matériel spécifique leur permettant de recevoir certains traitements. Ce transfert les sépare donc de leur bébé et de leur partenaire, restant tous les deux à la maternité d'origine. Ces femmes passent donc subitement de l'univers de la naissance et de la maternité, à celui du risque de mort et de la réanimation. L'équipe médicale du centre de référence des prises en charge des HPP graves en Île de France s'est inquiétée et interrogée sur les difficultés d'un certain nombre d'entre elles à entrer en relation et s'intéresser à leur bébé, une fois stabilisées et sorties de réanimation. L'objectif de ce travail consiste à pouvoir explorer la singularité de leur traversée pour déceler les processus et les enjeux psychiques exigés par une telle expérience et apporter des éléments de réponse sur les motifs conscients et inconscients de leurs difficultés. Plusieurs questions forment la problématique de cette recherche : La difficulté, voire l'impossibilité de ces femmes à s'engager dans la rencontre, puis l'investissement du bébé serait-elle liée à l'intensité de l'expérience de l'HPP, notamment à l'expérience extrême du frôlement de la mort ? Quel est le travail psychique exigé par une telle expérience traumatique et qu'est-ce qui peut l'entraver ? De quelle façon ce travail psychique s'articule-t-il à celui du devenir mère ? Entre 2011 et 2012, une étude prospective et unicentrique a été menée, incluant des entretiens semi-directifs effectués à 1 mois et 3 mois après l'accouchement et la passation d'auto-questionnaires. Seules les données quantitatives ont fait l'objet d'une analyse. Ce travail de thèse s'inscrit dans la poursuite de cette étude par l'analyse des données qualitatives jusqu'alors inexploitées. Sept femmes sur les 31 recrutées pour cette étude constituent la population de cette thèse. Une méthodologie d'analyse qualitative de ces entretiens déjà recueillis a été développée. Elle s'inscrit dans un référentiel psychanalytique et s'appuie sur une analyse du discours par boucles d'analyse alliant clinique et théorie, sur l'analyse de la relation transférentielle à l'œuvre entre les chercheurs ayant mené les entretiens et les sujets, ainsi que sur ce que nous proposons d'appeler l'analyse du « transfert du transfert ». Cette analyse tripartite propose un champ méthodologique nouveau. Les femmes qui sont touchées par une HPP sont traversées par un ébranlement du sentiment de continuité d'être. Face à cela, au moins deux destins sont observés. D'une part, chez la plupart des femmes de notre recherche, la menace vitale court-circuite l'accès au maternel. Il y a, de prime abord, une impossible simultanéité entre la restauration narcissique post-traumatique et l'investissement objectal du bébé. D'autre part, chez les deux femmes multipares ayant eu les hémorragies les plus graves, il y a un accrochage au maternel et à l'investissement du bébé comme moyen de survivre et de lutter contre le risque de mort. La capacité des parturientes à pouvoir faire psychiquement l'expérience de cet événement traumatique apparaît comme le garant d'une véritable rencontre avec leur bébé. Enfin, l'entourage et les professionnels de santé apparaissent déterminants dans le travail de reconstruction, nécessaire dans la suite de cette expérience extrême. |