Resumé |
Quels mécanismes permettent la prise de conscience ? Différentes théories visent à résoudre la question. Certaines supposent que l'expérience consciente est un phénomène graduel, qui dépend de l'activité dans les cortex sensoriels. D'autres suggèrent que l'accès conscient dépend de l'implication d'un réseau supra-modal qui permet l'échange d'information de manière tout-ou-rien. Cette thèse cherche à mieux déterminer les mécanismes sous-jacents à la prise de conscience en testant expérimentalement ces deux options. Le travail présenté ici est divisé selon deux axes: le premier est comportemental et s'intéresse à l'influence du contexte sur le moment et le contenu de conscience, tandis que le second emploie une méthode de neuroimagerie afin de mieux comprendre les dynamiques neurales de l'accès conscient, et aider à mieux prendre en charge les patients non-communiquants. Axe comportemental : Des études récentes menées au laboratoire ont montré qu'orienter l'attention spatiale dans le contexte d'un paradigme de Posner, mais après la disparition d'un stimulus facilitait malgré tout la prise de conscience de ce stimulus. Cet effet, appelé "rétro-perception" met en évidence une haute flexibilité temporelle dans la prise de conscience. Ici, nous avons cherché à mieux comprendre les propriétés de la rétro-perception dans une tâche usant deux modalités perceptives (effet d'un son spatialisé sur la perception visuelle). Nous montrons que la rétro-perception se produit dans ce cas, et modélisons les temps de réaction dans le cadre d'une analyse de "drift-diffusion". Cette analyse montre que l'indiçage sonore spatial affecte la perception visuelle plutôt que la prise de décision, et ce quand l'indice est présenté avant, ou après la cible. D'autres études montrent que la perception d'un stimulus peut ne concerner qu'une fraction de ses attributs: les participants perçoivent de l'information de bas niveau au sujet d'un stimulus dégradé, mais pas ses attributs de haut niveau qui sont alors inférées, dans une situation de "conscience partielle". Nous explorons la possibilité que l'inverse puisse aussi se produire : si la conscience repose sur des mécanismes amodaux, les participants pourraient avoir l'expérience d'attributs sémantiques d'un stimulus sans ses propriétés sensorielles. Nous montrons en rétro-indiçage que des mots masqués, s'ils sont indicés avec un stimulus congruent sémantiquement, sont vus et identifiés plus souvent que si l'indice est incongruent. Cela n'était cependant pas vrai pour la perception des attributs de bas niveau. Ces résultats sont en faveur du fait que l'accès conscient peut agir sur de l'information amodale, même quand les propriétés sensorielles associées sont dégradées par un masque. Cela valide une prédiction forte concernant les mécanismes de la prise de conscience. Axe d'imagerie cérébrale : La dynamique de l'accès conscient au seuil de perception a beaucoup été étudiée en EEG, mais mérite d'être étudiée à une échelle plus fine. Nous avons donc mené un protocole en EEG intracrânien. Les participants ont écouté des voyelles dans un bruit continu, à différents niveaux de signal-sur-bruit allant de parfaitement inaudible à tout à fait identifiable. Notre hypothèse était qu'au seuil de perception, si la conscience repose sur des mécanismes tout-ou-rien, l'activité cérébrale ainsi que les rapports subjectifs d'audibilité devraient être divisés de façon bimodale selon si le stimulus a été entendu consciemment ou non. Nous explorons cette possibilité à l'aide de potentiels évoqués, de la classification par apprentissage machine, et modélisation. Des analyses futures s'intéresseront à l'activité gamma et la connectivité. |