Mots clés |
Colombie, Musique andine, Vallenato, Patrimonialisation, Enseignement musical, Politisation |
Resumé |
En 2013, la mairie de Bogota crée des centres d'art proposant un enseignement gratuit de musique andine pour les jeunes. Deux ans plus tard, la ville de Santa Marta finance des écoles de musique similaires où est enseigné le vallenato. Ces musiques se présentent comme des éléments structurants des identités régionales et nationale. En effet, à partir du XIXème siècle, la musique andine est au cœur des débats portant sur la définition de l'identité musicale nationale. Après des années d'intense diffusion, elle subit à partir des années 1960 un lent déclin. Aujourd'hui, sa festivalisation est intimement liée aux processus de patrimonialisation dont elle fait l'objet. Par ailleurs, le vallenato est choisi par une élite locale dans les années 1960 pour incarner l'identité régionale du département du Cesar, récemment créé. Cette musique jouit actuellement d'un succès international, mais le vallenato dit classique est inscrit en 2015 sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente de l'UNESCO. Ces musiques sont au cœur de discours à forte charge affective et symbolique : leur transmission incarne la défense de lo propio, de « ce qui est à nous ». En outre, dans les écoles de musique de Bogota et de Santa Marta, les modalités de transmission de ces musiques se détachent des préceptes académiques. La structuration didactique amène à penser cet héritage académique, ainsi que les conditions du choix d'un répertoire standardisé et la production finale, les concerts. Portés par les pouvoirs municipaux, les enjeux politiques prennent parfois le pas sur les enjeux pédagogiques. Aussi ces écoles invitent-elles à penser d'une manière plus large les politiques publiques, la vie politique et les réseaux qui les mettent en œuvre. L'enjeu de cette thèse est de mieux comprendre les processus de politisation de cet enseignement. Le travail de terrain a été mené dans des écoles de musique, auprès de personnels administratifs, de professeurs et d'élèves de ces dernières. Face à la globalisation et aux industries musicales, dont certains de ces interlocuteurs craignent qu'elles ne soient totalisantes, la transmission des musiques locales est vécue comme une prise de position politisée. En parallèle, les pouvoirs publics municipaux font des usages différenciés de ces écoles. En effet, ces dernières donnent chair aux discours contemporains autour de la paix qui agitent la société nationale dans sa gestion du « post-conflit », mais aussi autour de l'égalité et du respect de la diversité musicale dans un pays qui s'affiche comme multiculturel. Pour autant, ces écoles sont aussi associées à des pratiques clientélaires et représentent un puissant outil au service d'enjeux électoraux. C'est finalement au cœur de la politisation de l'enseignement des « musiques traditionnelles » de Colombie que nous plonge cette thèse. |