Resumé |
Dans un contexte démographique où l'âge moyen de la population augmente, l'accession à la retraite soulève des questions sur la frontière entre l'activité et l'inactivité professionnelle. La retraite représente de fait l'arrêt définitif du travail dit « salarié », sous-entendu ici imposé, et donc d'une contrainte quant à l'organisation du quotidien des individus. Les personnes interrogées dans le cadre de ce travail, toutes de jeunes retraités (jusqu'à six années de retraite maximum), ont en effet unanimement témoigné d'une sensation de « libération » de la structure temporelle du travail. Ce constat nous a amené à aborder la question de l'entrée à la retraite par celle du temps. Pour ce faire, nous nous basons principalement sur le travail de Norbert Elias qui propose d'observer le temps en tant que « phénomène socialement construit par les instruments mêmes de sa mesure » et de rendre compte des pratiques de synchronisation mises en oeuvre par les individus par rapport à un ou plusieurs processus de référence, en somme l'action qui consiste à « faire du temps » (Elias, 1984). Ainsi, nous partons du postulat que la retraite s'institue à partir de l'arrêt du processus de référence que représentait le travail salarié, entraînant l'apparition inévitable de ce que nous appelons une « vacance professionnelle » et donnant lieu pour chaque individu à un changement de rythme dans les activités et une redistribution de la disponibilité. L'étude de ces variations, telles que décrites dans le discours des personnes interrogées, a mis en relief quatre types de logiques de resynchronisation expérimentées par les individus en vue de re-hiérarchiser leurs activités et tâches quotidiennes. L'analyse de ces quatre logiques a permis d'identifier les facteurs influant sur la mise en place d'une logique de resynchronisation, à savoir d'une part l'ambivalence ressentie entre envie de partir à la retraite et envie de rester dans la sphère professionnelle et d'autre part le degré de conformité entre la projection du quotidien à la retraite et son application concrète. Cette analyse permet aussi de saisir le rôle de la perspective du vieillissement et de la finitude dans les pratiques de synchronisation à la retraite, de même que celui de resynchronisations antérieures rattachées à l'expérience d'autres événements vécus comme des tournants biographiques. Ce travail décrit également les sources de variation dans la hiérarchisation des activités selon les ressources auxquelles ont accès les individus et les contraintes auxquelles ils sont soumis, en lien avec des questions d'utilité et de légitimité. |