Resumé |
L'hyperplasie bénigne de prostate (HBP) est une affection fréquente, qui concerne plus de la moitié des hommes âgés de plus de 60 ans. L'HBP résulte d'une hyperplasie des compartiments épithélial et/ou stromal du tissu prostatique. L'augmentation du volume de la glande est responsable de symptômes du bas appareil urinaire, qui affectent la qualité de vie et peuvent générer des complications graves. Le seul traitement étiologique disponible aujourd'hui est l'inhibiteur de la 5-alpha-réductase (5ARI). Cette molécule entraîne l'apoptose des cellules épithéliales prostatiques et une diminution du volume de la glande. Les souris probasine-prolactine (Pb-PRL) sont un modèle de souris transgénique développant un phénotype d'HBP. Les prostates de ces souris sont caractérisées par une forte activation du facteur de transcription STAT5. Cette activation se traduit par une phosphorylation et une translocation nucléaire de STAT5 dans les cellules épithéliales luminales. De plus, l'inactivation de STAT5 diminue le phénotype d'HBP dans ce modèle, confirmant son rôle clé dans la physiopathologie de l'HBP chez ces souris. L'activation du facteur de transcription STAT5 n'a jamais été montrée chez l'homme. L'objectif principal de ce travail était de montrer qu'il existe une activation du facteur de transcription STAT5 dans l'HBP humaine, et le cas échéant de déterminer le couple cytokine/récepteur responsable de cette activation. 103 patients consécutifs opérés d'HBP symptomatique dans le service d'urologie de notre centre universitaire ont été inclus. Les copeaux ont été fixés et inclus en paraffine afin d'être analysés en immunohistochimie. Un anticorps anti-STAT5 était utilisé, et un marquage nucléaire positif était considéré comme une activation de STAT5. 8 prostates issues de donneurs décédés sans maladie prostatique ont été incluses pour constituer une cohorte contrôle, et traitées selon le même protocole. L'analyse quantitative (comptage automatisé QuPath®) du marquage nucléaire de STAT5 mettait en évidence une augmentation significative chez les patients opérés d'HBP en comparaison à la cohorte contrôle (15% vs 1,4% ; p=0,0009). La majorité des cellules présentant une activation de STAT5 étaient situées en position luminale du compartiment épithélial, mimant le marquage observé chez les souris Pb-PRL. Néanmoins, il existait un marquage nucléaire de STAT5 variable dans les cellules stromales et les infiltrats inflammatoires. Ce marquage stromal et inflammatoire était significativement augmenté chez les patients traités par 5ARI en comparaison aux patients non traités (36% vs 22% ; p=0.0193 pour le marquage stromal et 55% vs 37% , p=0.033 pour le marquage inflammatoire). Afin de déterminer quel récepteur potentiel pourrait être à l'origine de l'activation de STAT5 dans les cellules épithéliales, nous avons conduit une analyse bio-informatique d'une base de données publique de séquençage ARN en cellules uniques. Cette analyse mettait en évidence une augmentation des transcrits du récepteur Leukemia Inhibitory Factor (LIF-R) dans les cellules luminales de patients HBP en comparaison à des sujets contrôles. Le traitement de lignées cellulaires prostatiques humaines immortalisées (RWPE-1) par la cytokine LIF montrait une augmentation de l'expression protéique de STAT5 phosphorylé en western blot. Le même traitement sur des organoïdes primaires issus de prostates humaines mettait en évidence une augmentation de la taille des organoïdes, témoignant de l'effet prolifératif de LIF sur les cellules prostatiques. En conclusion, STAT5 est activé dans l'hyperplasie bénigne de prostate humaine. Cette activation pourrait être liée à la fixation de LIF sur LIF-R, et induire un effet pro-prolifératif responsable de l'hyperplasie et de l'augmentation de volume de la glande. LIF-R et STAT5 constituent des pistes intéressantes de cibles thérapeutiques de l'HBP humaine. |