Eugénisme et politiques de population en Amérique latine : réseaux épistémiques transnationaux, desseins panaméricains et visées locales. Le cas de la Colombie (1912-1955)
Eugenics and population policies in Latin America : transnational epistemic networks, Pan-American designs and local aims. The case of Colombia (1912-1955)
par Iván OLAYA sous la direction de Pilar GONZÁLEZ BERNALDO DE QUIRÓS
Thèse de doctorat en Histoire et civilisations
ED 624 Sciences des Societes

Soutenue le jeudi 17 décembre 2020 à Université Paris Cité

Sujets
  • Amérique latine
  • Colombie
  • Émigration et immigration -- Contrôle sanitaire
  • Enfants -- Protection, assistance, etc.
  • Eugénisme
  • Hygiénisme
  • Panaméricanisme
  • 1900-1945
  • 20e siècle

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Mots clés
Circulation des savoirs, Réseaux épistémiques transnationaux, Congrès spécialisés internationaux
Resumé
L'émergence du discours eugéniste en Amérique latine dans les années 1920 semblait être un phénomène scientifique, politique et social inévitable. Le discours a pris de l'ampleur en raison des évènements belliqueux, tel que Première Guerre mondiale (1914-1918), qui ont provoqué le déplacement en masse de groupes humains vers les Amériques. L'arrivée d'immigrants « indésirables » n'a pas impacté tous les pays du continent : seuls l'Argentine, le Brésil et les États-Unis se sont vus amplement affectés. Cependant, la peur s'est répandue dans toute la région. Le « déchet humain » étranger laissé par la guerre et qui mettait en péril la composition raciale du continent est devenu l'un des principaux arguments permettant de justifier la mise en place d'un projet eugéniste panaméricain. Celui-ci devrait être capable de protéger le patrimoine génétique du continent face à la menace de l'arrivée d'individus rejetés par les conflits à cause de leur « inaptitude biologique ». De cette manière, l'Amérique latine s'est insérée dans les réseaux épistémiques transnationaux consacrés à l'eugénisme : mouvement scientifique et sociopolitique conçue pour contrôler la population à travers des mécanismes concernant la reproduction et la sexualité de l'individu. Ces réseaux avaient commencé à se constituer depuis le début des années 1910 avec l'organisation du First International Congress of Eugenics à Londres et avec la création, à cette occasion, de la première organisation internationale eugéniste : le Permanent International Eugenics Committee. Le projet eugéniste panaméricain a été marqué par les enjeux politiques, économiques et sociaux des années 1930. La crise économique de 1929, le sentiment anti-étatsunien provoqué par les interventions militaires des États-Unis en Amérique latine, la remise en question du modèle panaméricain et la revendication du latino-américanisme ont caractérisé le mouvement et ont reconfiguré les réseaux épistémiques eugénistes. La Primera Conferencia Panamericana de Eugenesia y Homicultura (La Havane, 1927), a ainsi marqué le début de la volonté de consolider ce projet dont l'objectif était l'amélioration biologique de la « race américaine ». Cette volonté a permis l'organisation d'une série de réunions panaméricaines entre 1927 et 1943, ainsi que la fondation de sociétés nationales dédiées à l'eugénisme. L'hypothèse de cette étude s'inscrit dans ce contexte d'internationalisation de l'eugénisme. Ce mouvement, en tant que projet panaméricain, a eu lieu en Amérique latine grâce à l'existence des réseaux d'experts des pays du continent et aux rencontres qu'ils ont pu faire pendant les conférences régionales et panaméricaines. Nous proposons ici d'analyser la circulation des idées dans le cadre d'un régime panaméricain où l'eugénisme a joué le rôle d'élément unifiant. Pendant la première moitié du 20e siècle, chaque pays s'est approprié l'eugénisme de manière spécifique en fonction de son contexte, mais ce sont les experts qui, en allant à la recherche de modèles à suivre afin de « guérir » les maladies d'une société en déclin dans d'autres pays, ont permis à l'eugénisme de franchir les frontières nationales. Ces experts, qui étaient médecins, psychiatres, hygiénistes et pédiatres, entre autres, étaient liés aux cercles politiques de leurs pays, et ont pu intervenir dans les politiques publiques internes. Cela a conduit à la matérialisation des propos eugénistes. Nous allons donc aborder la question à partir du cas de la Colombie, pays considéré comme étant resté à la marge dans la réception et l'appropriation des idées eugénistes en Amérique latine. Le choix de la Colombie, qui va sûrement apporter un nouveau regard à l'historiographie eugéniste panaméricaine, comporte un pouvoir heuristique certain du fait qu'elle nous permettra de démontrer effectivement que l'Amérique latine était rattachée aux régimes circulatoires de l'Atlantique nord sur lesquels l'histoire des circulations des savoirs s'est focalisée.