Resumé |
Introduction et problématiques: Les politiques et choix des produits plasmatiques (PP) ou recombinants (PR) en hémophilie divergent selon les pays en dépit de recommandations internationales consensuelles. A la différence d'autres pays, la politique française en ce sens ne fait aucune priorité de choix entre les PP versus les PR en dépit de l'avènement de variante (v) de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) dont le risque transfusionnel affecté à ces premiers est jugé être infinitésimal. L'adhésion des soignants et des patients à cette politique ainsi que les répercussions psychologiques des retraits de lots de PP pour le risque de vMCJ sur ces derniers, sont inconnues et suscitent des questions éthiques. Méthodologie: Des enquêtes mono et multicentriques ont été menées auprès de patients et médecins français afin d'évaluer leurs sentiments envers la politique de maintien sans restriction des PP et celle de leurs procédures de retrait de lots. Une discussion des problématiques éthiques inhérentes est conduite à partir des rapports des expertises scientifiques et de nos propres données. Résultats: L'analyse des politiques et choix des PP versus PR en hémophilie a permis d'identifier un modèle français aux côtés des trois modèles nord-américain, britannique et européen. Ce premier modèle apparaît être le moins astreignant alors que la France pointe à la haute deuxième place de la prévalence mondiale de la vMCJ après le Royaume Uni qui a tout simplement banni la prescription des PP pour les hémophiles, à la faveur des PR dénués de ce risque. Nous avons identifié nombre de tensions dans la prise en charge des patients et dans la gestion des risques de ces produits en France. Celles-ci sont principalement le fait de quatre problématiques qui correspondent à des paradoxes français de la politique de gestion de risque de ces produits, notamment: 1) multiplication injustifiée des procédures de retrait de lot de PP, essentiellement en rapport avec les formes sporadiques de la MCJ pourtant non transmissibles par ce biais. 2) absence de formalisation précise de l'organisation des procédures de retrait de lot dont les sources, les méthodes, les moyens et les délais de contact des médecins et leur relais aux patients sont divers et variés, ce qui témoigne d'une certaine improvisation et d'un cafouillage dans ce processus. 3) maintien sans restriction d'indication ni de source des PP. 4) information systématique traumatisante à posteriori des patients à l'occasion des retraits de lots pour ce risque très infime, au lieu d'une approche au cas par cas. Les problématiques éthiques induites sont: traumatisme psychologique rémanent des patients et leur famille à l'occasion de l'information, mal conduite et mal comprise, du risque de la vMCJ lors des procédures de retrait de lots de PP conduisant à leur switch massif pour des PR; inefficacité de ces procédures à éliminer les lots incriminés car souvent déjà consommés; diminution drastique, voire bannissement de la prescription des PP; vécu difficile et désapprobation majoritaire des médecins de la politique du maintien sans restriction des PP et des procédures de retrait de lot; faible respect des procédures de retrait de lots, appliquées de façon confuse et inégale; crise de confiance des patients et médecins envers cette politique; sentiments de conflits d'intérêts des autorités politiques en rapport avec un protectionnisme supposé de l'industrie nationale de fabrication des PP en l'absence de motifs solides à leur maintien sans restriction à des indications précises. Conclusion: Un recadrage institutionnel de procédures de retrait de PP en France apparait nécessaire, celles-ci étant majoritairement injustifiées car relatives aux formes sporadiques de la MCJ. La limitation de l'usage des PP à des indications spécifiques nécessite d'être discutée à l'heure de la grande disponibilité des PR. De larges enquêtes et réflexions aideraient aux futures orientations de la politique nationale. |