Mots clés |
Chauve-souris, Lyssavirus, Myotis myotis, Eptesicus serotinus, European bat lyssavirus 1, Interactions hôte-virus, Inflammation, Voie NF-KB, Hibernation, Modèle in vitro |
Resumé |
La persistance et la propagation d'un virus dans une espèce animale est dépendante de facteurs liés à l'hôte et de facteurs liés au pathogène, l'objectif ultime du virus étant d'exploiter les ressources de son hôte tout en évitant ses défenses immunitaires. Les chauves-souris sont considérées comme les hôtes primaires de nombreux virus zoonotiques, représentant ainsi un modèle pertinent pour l'étude des interactions hôtes/virus. Parmi ces virus, les lyssavirus, agents étiologiques de la rage, comptent 17 espèces, dont 15 ont été détectées chez différentes espèces de chauves-souris. Les facteurs expliquant leur tropisme particulier pour leurs hôtes chiroptères sont encore méconnus. Les données épidémiologiques, probablement très incomplètes, indiquent néanmoins que ces virus peuvent franchir la barrière d'espèce. Lyssavirus Hamburg (EBLV-1) constitue un bon modèle pour l'étude de l'infection des chauves-souris. Il est le lyssavirus le plus répandu en Europe et est aussi responsable d'infections documentées chez les animaux terrestres (chats, moutons) et chez l'Homme. Lors d'études longitudinales menées dans des colonies de chiroptères, EBLV-1 a été détecté chez plusieurs espèces, parmi lesquelles Eptesicus serotinus (Es) et Myotis myotis (Mm). Ces deux espèces présentent différentes expressions cliniques lorsqu'elles sont infectées. L'infection d'Es par EBLV-1 peut se révéler létale, alors qu'aucune augmentation de la mortalité n'a été observée lors du passage du virus dans les populations de Mm. L'objectif principal de cette thèse est d'identifier les facteurs cellulaires et/ou viraux qui pourraient expliquer la différence de pathogénicité observée entre ces deux espèces, ainsi que d'analyser l'impact des différentes phases de vie des chauves-souris (vie active ou torpeur) sur leur réponse à l'infection dans un modèle in vitro. Dans le but de présenter une vision intégrée des relations hôtes/lyssavirus, ce travail a été organisé en deux parties. La première a consisté à caractériser la réponse cellulaire de Es et Mm à l'infection par EBLV-1. La réponse transcriptomique de cellules de nerf olfactif de Mm a été étudiée dans des conditions simulant l'hibernation et l'euthermie (phase de vie active) afin d'étudier l'impact de ces changements physiologiques sur la réponse à l'infection. Ces résultats ont été comparés aux résultats obtenus lors de l'infection de cellules issues de cerveau chez Es. Parmi les voies de signalisation différentiellement régulées entre Mm et Es se trouve la voie NF-kB, qui régule l'expression des cytokines pro-inflammatoires. Afin d'étudier plus finement son activation, des lignées cellulaires rapportrices qui contiennent le gène codant pour la luciférase placé sous le contrôle du promoteur NF-kB ont été générées. Cet outil a permis de mettre en évidence un mécanisme d'atténuation de l'inflammation induite par NF-kB dans les cellules de Mm. La seconde partie a porté sur l'étude des facteurs viraux impliqués dans ce phénomène. La comparaison des réponses transcriptomiques induites dans des cellules de Es entre EBLV-1 et deux autres lyssavirus ne circulant pas chez E.serotinus a révélé que la voie NF-kB est activée spécifiquement suite à l'infection par EBLV-1. Alors que la protéine de matrice (M) du virus de la rage (Lyssavirus rabies, RABV) permet l'échappement à la signalisation NF-kB, l'alignement des séquences des protéines M des lyssavirus a révélé l'existence d'une mutation d'un des résidus impliqués dans cette fonction chez EBLV-1. L'effet de cette mutation sur la production des cytokines pro-inflammatoires dans les cellules de Es et Mm a été étudiée grâce à un système de génétique inverse. La découverte du mécanisme d'affaiblissement des réponses inflammatoires chez Myotis myotis et la compréhension des facteurs viraux associés ont permis la révélation de facteurs importants pour la survie des chauves-souris à l'infection par les lyssavirus, alors qu'elle est létale chez les autres mammifères. |