Mots clés |
Toxicité sérotoninergique, Citalopram, Convulsion, Décès, Urgences, Antidote |
Resumé |
La toxicité des antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS) dont le citalopram est le représentant le plus sélectif, est réputée faible. Or les IRS ont été rendus responsables de syndromes sérotoninergiques, de convulsions, d'anomalies électrocardiographiques, voire de troubles respiratoires et de décès. L'implication de cette classe pharmacologique au cours des intoxications médicamenteuses volontaires (IMV) apparait peu documentée par des données récentes en France. Ainsi, la morbidité des IMV impliquant un IRS aux urgences (SAU) et les symptômes les plus fréquemment observés à la suite d'une exposition toxique aux IRS sont peu décrits. De même, les mécanismes toxiques impliqués dans les décès ne sont clairs. Objectifs : Nous avons mené ces travaux dans le but de : 1- mieux connaitre l'épidémiologie des IMV dans un SAU et y préciser l'implication des IRS ; 2- explorer une éventuelle sur-morbidité liée aux IRS dans les IMV polymédicamenteuses ; 3-comprendre les mécanismes de décès induits par de fortes doses de citalopram et les moyens de les prévenir. Méthodes: Nous avons conduit une étude observationnelle des IMV admises au SAU durant 4 ans, avec appariement des patients ayant ingéré un IRS versus des patients intoxiqués non exposés à un IRS. Nous avons également mené une étude expérimentale chez le rat Sprague-Dawley pour connaitre la dose létale médiane (MLD) du citalopram et explorer la toxicité neurologique, respiratoire et systémique impliquée dans le décès consécutif à l'administration de citalopram. Des dosages de sérotonine plasmatiques et plaquettaires ont été effectués afin de caractériser le rôle de la toxicité sérotoninergique. Résultats : Les IRS étaient impliqués dans 16% des IMV au SAU, soit en 2e position après les benzodiazépines. L'attribution des symptômes observés aux effets sérotoninergiques était rarement faite (dans environ un cas sur cinq) par les médecins urgentistes en charge des patients. La survenue d'un syndrome sérotoninergique et de convulsions était plus fréquente dans le groupe de patients intoxiqués par IRS que chez les témoins appariés. Un allongement du QT a été noté chez un patient et aucune toxicité respiratoire n'a été décelée. Le recours à la ventilation mécanique était plus important du fait de troubles de la conscience, sans augmentation pour autant du nombre d'admission en réanimation en comparaison aux témoins. L'étude expérimentale nous a permis de montrer que les décès induits par le citalopram étaient toujours précédés de convulsions, et que la prévalence des convulsions étaient dose-dépendante, significativement plus fréquente pour les fortes doses de citalopram (80 et 120% de la MLD) comparativement aux autres groupes (60% de la MLD et témoins). De même, le citalopram induisait une baisse dose-dépendante de la sérotonine plaquettaire et une élévation dose-dépendante de la sérotonine plasmatique. L'incidence du syndrome sérotoninergique était, par contre, comparable. Le citalopram n'induisait ni hypoxémie, ni hypercapnie, ni hyperlactatémie ; mais il était responsable d'un allongement du temps inspiratoire et d'un « braking expiratoire » mimant un phénomène adaptatif à l'hypoxémie. Par ailleurs, le prétraitement par diazépam ou cyproheptadine des rats intoxiqués avec une dose létale de citalopram prévenait les convulsions et le décès. Conclusions : La toxicité des IRS et du citalopram en particulier, semble essentiellement neurologique, tant chez l'homme que chez l'animal. Le syndrome sérotoninergique et les convulsions devraient être rassemblés en marqueurs de la toxicité sérotoninergique. Il est nécessaire de sensibiliser les médecins urgentistes à cette toxicité, en utilisant les critères de Hunter, plus simples et probablement plus spécifique. La place des antidotes restent à définir, mais, selon notre modèle expérimental, ils pourraient être efficaces pour réduire cette toxicité spécifique. |