Mots clés |
Psoriasis, Modèles monogéniques, Immunogénétique, Immunité innée, Interféron de type I, ADAR1, Senseurs d'acides nucléiques, Médecine de précision |
Resumé |
Le psoriasis est une maladie inflammatoire cutanée touchant environ 5 % de la population occidentale, dont le psoriasis en plaques (PsO) est le phénotype le plus courant, alors que le psoriasis pustuleux (PP) est beaucoup plus rare. Le premier résulte de l'interaction entre prédispositions génétiques, selon un modèle multigénique complexe, et facteurs environnementaux, conduisant à une inflammation cutanée principalement dirigée par l'axe IL-23/17. D'autre part, le PP est principalement lié à un modèle monogénique, avec l'identification récente de plusieurs mutations perte de fonction dans des gènes de l'immunité innée, le plus souvent IL36RN. La pathogénicité des variants de gain de fonction de CARD14 a été identifiée dans des cas de PP et quelques cas mendéliens de PsO. Or, ces gènes ne représentent qu'une faible fraction de l'héritabilité du psoriasis. Testant l'hypothèse principale selon laquelle des modèles monogéniques non encore identifiés rendraient compte de cas familiaux et sporadiques de psoriasis précoce, nous avons analysé par séquençage d'exome (WES) des familles atteintes de PsO. Dans une cohorte de 157 patients PsO non apparentés, nous avons identifié 11 variants de ADAR1, rares ou non, tous prédits comme délétères et co-ségrégant avec le trait PsO dans plusieurs familles. Les patients PsO ADAR1mut avaient un score sanguin IFN-I significativement plus élevé vs PsO ADAR1wt. L'analyse transcriptomique de biopsies lésionnelles de PsO a montré une signature IFN-I chez les patients PsO ADAR1mut vs. PsO ADAR1wt, et un enrichissement de termes associés aux voies IFN-I, TNF, antivirales. Le scRNAseq a montré une surexpression de MX1 et ISG15 dans les kératinocytes et les mélanocytes des patients PsO ADAR1mut. En immunofluorescence la peau lésionnelle PsO ADAR1wt avait une expression accrue de MX1, pSTAT1, et pSTAT3. Les patients ADAR1mut présentaient une baisse d'expression de la protéine ADAR1 dans les kératinocytes (KCs). Nous avons ensuite étudié les conséquences de la baisse d'expression d'ADAR1 dans les KCs primaires. En RNAseq, les KCs ADAR1KD avaient une surerexpression des ISGs, corrigée en présence d'inhibiteurs de JAK1 ou TYK2, ainsi que ceux de l'IL8, IL23A, CCL20. Par spectrométrie de masse, nous avons montré un enrichissement de termes liés à la voie IFN-I dans les KCs ADAR1KD. L'étude d'éditome a montré une baisse de 84 % d'édition A/I. De plus, les KCs ADAR1KD avaient un profil apoptotique et une différenciation altérée, confirmées dans un modèle de peau équivalente. De plus, une baisse d'édition A/I, une surexpression des ISGs, un profil apoptotique, une expression altérée des marqueurs de mélanogenèse étaient observés dans les mélanocytes humains primaires ADAR1KD. Enfin, la transduction des variants G1119R et P3A par vecteur lentiviral dans les KCs primaires était associée à une baisse de 40 % de l'édition A/I, une activation des ISGs, sans instabilité de la protéine ADAR1, suggérant un effet dominant négatif. Deux des patients étudiés avec mutation d'ADAR1 présentant une pustulose palmoplantaire, nous avons cherché par NGS la présence de variants ADAR1 chez 88 patients PP sans mutation dans les gènes candidats rapportés dans la littérature (IL36RN, CARD14, AP1S3, SERPINA3, MPO), et avons identifié 2 variants ADAR1 supplémentaires. De plus, d'autres variants dans des gènes codant pour des senseurs d'acides nucléiques, et impliqués dans la voie IFN ont été identifiés par WES chez des patients PsO associés à une signature IFN-I. Des études fonctionnelles sont nécessaires pour valider la causalité de ces mutations. Ces données identifient un nouveau modèle monogénique de PsO associé aux variants perte-de-fonction d'ADAR1, avec kératinocytes et mélanocytes comme acteurs clés d'une inflammation dominée par l'IFN. Elles ouvrent de nouvelles perspectives en médecine de précision, d'autant plus que ces malades semblent répondre préférentiellement aux molécules ciblant la voie IFNAR, telles les anti-JAK1. |