Resumé |
Qu'il s'agisse d'organismes unicellulaires ou multicellulaires complexes, le génome n'est pas uniquement composé d'ADN double brin, mais contient une quantité importante d'hybrides ADN:ARN se formant à différents stades du métabolisme de l'ADN ou de l'ARN. Si certains de ces hybrides, tels que les amorces ARN des fragments d'Okazaki, jouent un rôle bénéfique dans la maintenance du génome, d'autres, en particulier les hybrides ADN:ARN co-transcriptionnels ou « R-loops », ont été associés à une instabilité génétique. Des altérations des facteurs régulant la formation des R-loops ont notamment été constatées dans des conditions pathologiques, y compris le cancer. De manière frappante, plusieurs études ont souligné que tous les hybrides ADN:ARN ne provoquent pas de dommages à l'ADN et leur cartographie systématique n'a pas permis d'élucider complètement les déterminants de leur génotoxicité. De plus, il a été constaté que des hybrides se forment au niveau de cassures double brin induites artificiellement, soulevant la question des liens de causalité entre ces structures et la stabilité du génome. Durant ma thèse, j'ai utilisé une approche globale combinant des cribles à l'échelle du génome, la biochimie in vitro et la génétique afin d'analyser le lien entre hybrides ADN:ARN et stabilité du génome chez la levure S. cerevisiae. Nos cribles ont révélé une accumulation généralisée d'hybrides dans diverses situations mutantes qui génèrent principalement des dommages à l'ADN, dont des mutants affectant la maturation des fragments d'Okazaki (OF). En nous focalisant sur ce processus, nous avons démontré que l'accumulation de flaps est la cause principale du gain d'hybrides en l'absence de la flap nuclease Rad27, l'un des facteurs responsables de la maturation des OFs. De même, une religation défectueuse des OFs conduit à une accumulation d'hybrides. Nos résultats suggèrent que les discontinuités au sein de l'ADN, que ce soit au niveau des flaps ou des OFs non religués, favorisent la formation d'hybrides ADN:ARN. De manière intéressante, ces hybrides « post-lésion » ne contribuent pas de manière significative à l'instabilité génétique, évaluée par des rapporteurs dans lesquels la formation de R-loops peut être modulée. De plus, ce phénomène semble généralisé, car plusieurs situations mutantes affectant le métabolisme de l'ADN montrent également des accumulation d'hybrides, vraisemblablement au niveau de lésions préexistantes dans l'ADN. En résumé, nous avons établi que les hybrides ADN:ARN peuvent résulter de diverses lésions naturelles ou pathologiques de l'ADN, mais qu'ils n'exacerbent pas nécessairement leur génotoxicité. Au cours de mon doctorat, j'ai également contribué à deux autres études axées sur la biologie des hybrides se formant suite à des défauts du métabolisme des ARNs. D'une part, j'ai contribué à une étude démontrant que les gènes formant des R-loops ont tendance à interagir avec le pore nucléaire (NPC), un nouveau mécanisme cellulaire permettant d'atténuer leurs effets délétères. D'autre part, j'ai contribué à l'analyse des niveaux de R-loops à l'échelle du génome dans des cellules de patients atteints de Syndrome Myélodysplasique, une affection caractérisée par une réduction des rétentions d'introns, causée par une mutation du facteur d'épissage SF3B1. Nous avons découvert que ces cellules présentent des niveaux réduits d'hybrides ADN:ARN, entrainant une accélération des fourches de réplication, qui accroît la prolifération au détriment de la différenciation. Cette découverte remet en question la notion selon laquelle les R-loops sont toujours toxiques, en démontrant que leur perte peut également induire des conditions pathologiques. Plus généralement, mes résultats soulignent que les hybrides ADN:ARN ne sont pas nécessairement toxiques pour les cellules : leur formation suite à une lésion de l'ADN n'aggrave pas l'instabilité génétique, et leur élimination du génome peut s'avérer délétère pour la physiologie cellulaire |