Mots clés |
Polykystose rénale autosomique dominante, Dilatation tubulaire, Biomécanique tubulaire, Membrane basale tubulaire, Remodelage, Protéoglycanes à séparante sulfate |
Resumé |
La polykystose rénale autosomique dominante (PKRAD) est la ciliopathie rénale la plus fréquente, caractérisée par la formation de kystes aux dépens du tubule. Elle résulte principalement de mutations perte de fonction du gène PKD1 codant pour la polycystine-1, protéine exprimée à la surface du cil primaire. La kystogénèse est un processus médié par le cil, mais les mécanismes responsables de son initiation restent inconnus. La distensibilité tubulaire est principalement déterminée par les propriétés biomécaniques de la membrane basale tubulaire (MBT). Notre hypothèse était que la délétion de Pkd1 entraîne une altération précoce des propriétés biomécaniques de la MBT, responsable de la dilatation tubulaire initiale et de l'initiation de la kystogénèse. Nous avons généré un modèle de souris avec délétion de Pkd1 induite spécifiquement dans le tubule, associée ou non à une délétion génétique du cil primaire, entre 4 et 6 semaines de vie et les reins étaient recueillis à 8 semaines. Des mesures de morphométrie tubulaire (surface tubulaire externe et distance internucléaire) associées à des immunomarquages de prolifération tubulaire dans deux segments tubulaires d'intérêt, le canal collecteur et le tubule proximal, ont été réalisées. Nous avons également analysé le remodelage de la MBT par microscopie électronique ainsi que le profil transcriptomique de tubules obtenus par microdissection afin d'étudier ses mécanismes. Puis, nous avons étudié la réponse tubulaire à la pression intraluminale par la technique in vitro de tubule isolé perfusé et le modèle in vivo d'obstruction urétérale unilatérale. Enfin, nous avons analysé l'effet d'une augmentation de la compliance tubulaire in vivo via la délétion du gène codant pour la peroxidasine, enzyme catalysant le cross-linking du collagène IV, sur la formation des kystes. La perte de Pkd1 induisait une dilatation tubulaire précoce du canal collecteur, dépendante du cil. Cette dilatation était associée à une distension tubulaire significative, sans augmentation de la prolifération cellulaire. Elle était également associée à un amincissement majeur de la MBT dépendant du cil et à un enrichissement spécifique en héparane sulfate en immunofluorescence. La pente initiale de la courbe diamètre externe-pression transmurale sur tube isolé perfusé était augmentée dans les canaux collecteurs isolés de souris Pkd1 KO, suggérant une distensibilité tubulaire augmentée. De façon concordante, l'obstruction tubulaire in vivo entraînait une dilatation tubulaire rapide à 24 heures, médiée par le cil, aux dépens du canal collecteur chez les souris Pkd1 KO, suivie de la formation de kystes dans ce compartiment à 4 jours d'obstruction. Concernant le tubule proximal, la délétion de Pkd1 induisait une dilatation tubulaire précoce à 8 semaines et un amincissement de la MBT, avec une différence moins marquée avec les souris contrôles, en comparaison au canal collecteur. De plus, la réponse tubulaire à l'augmentation de pression transmurale in vitro et in vivo n'était pas modifiée par la délétion de Pkd1 dans le tubule proximal, suggérant que la distensibilité proximale n'est pas modifiée. L'analyse transcriptomique des canaux collecteurs isolés de souris Pkd1 KO a montré une surexpression de gènes codant pour des protéases, des protéines associées à une baisse de la rigidité matricielle impliquées dans la biosynthèse des héparanes sulfate et des protéines impliquées dans la structure du cytosquelette. Enfin, l'inactivation de la peroxidasine, connue pour augmenter la distensibilité de la MBT, accélérait la formation de kystes chez les souris Pkd1 KO. Ces résultats montrent que la perte d'expression des polycystines induit un remodelage précoce et cil-dépendant de la MBT dans le néphron distal, responsable d'altérations biomécaniques tubulaires à l'origine de la dilatation tubulaire initiale. Cette nouvelle voie de signalisation ciliaire pourrait représenter le principal mécanisme de l'initiation de la kystogénèse. |