Resumé |
Malgré les outils numériques (smartphones, tablettes et ordinateurs), l'écriture manuscrite demeure un moyen privilégié d'expression, de communication et de mémorisation. A l'école, les enfants consacrent un temps conséquent à cet apprentissage. On observe combien les troubles de l'écriture manuscrite peuvent constituer un frein aux apprentissages et au développement de l'individu. Les tests diagnostiques actuels de ces troubles reposent sur des copies de textes, pour une évaluation par la trace écrite mais pas par le processus, c'est-à-dire par le mouvement de l'écriture. Afin de mesurer ce processus, de nombreux outils numériques (tablettes ou stylos numériques) ont été développés depuis une vingtaine d'années. Cependant des questionnements concernant la mise en oeuvre et l'utilisation de ces outils ont été soulevés. En effet, ils ne ressemblent pas aux outils utilisés dans les classes, et leur implémentation est difficile dans des contextes scolaires ou de soins. Par ailleurs, ils sont souvent onéreux et/ou demandent des composants spécifiques. Nous présentons ici le développement d'un stylo instrumenté, résultat d'un travail de thèse interdisciplinaire, à la croisée de la santé, de l'éducation, de l'ingénierie des micro-capteurs et de l'interface homme-machine. Ce stylo, le Sensitive Pen, permet l'acquisition de données en temps réel. Le dispositif Sensitive Pen se compose donc d'un stylo instrumenté et de la chaîne d'acquisition et de traitement des données. Nous explorons comment ce dispositif apporte des éléments de caractérisation du geste graphomoteur. A partir de la question de la dysgraphie, nous le mettons à l'épreuve en regard d'un test de diagnostic établi et de référence, le Brave Handwriting Kinder (BHK). Nous avons tout d'abord identifié, par une revue de littérature, les variables clés permettant de décrire le geste graphomoteur. Ces variables viennent contraindre le choix des capteurs, des performances et du design de tous les dispositifs d'acquisition de données du geste graphomoteur déjà existants. Nous avons ainsi effectué une revue des outils et des dispositifs d'évaluation des troubles de l'écriture déjà en application. Nous avons alors réalisé le Sensitive Pen, stylo instrumenté à partir d'un stylo Bic 4 couleurs, d'une centrale inertielle, d'un capteur de pression de la mine et d'un capteur de pression et de position des doigts. La réalisation d'environ 10 stylos a permis de tester le Sensitive Pen dans des établissements scolaires. L'acquisition de données dans des classes lors d'une tâche graphomotrice (boucles cycloïdes) et une analyse des données par machine learning ont permis d'étudier le potentiel de notre dispositif pour détecter la dysgraphie. S'inscrivant dans une série de travaux précédents utilisant des tablettes ou d'autres stylos numériques, ce travail montre que l'acquisition des données quantitatives et leur traitement systématique devraient permettre au moins un premier dépistage de troubles comme la dysgraphie, ce qui laisse entrevoir des études à grande échelle largement facilitées. Cet optimisme est en particulier permis par l'utilisation simultanée de capteurs grand public (ceux des smartphones) et donc de très faible coût (projet low cost), des techniques de design et de fabrication de type FabLab, ce qui renforce le caractère « low cost » et permet une production ouverte (mouvement Open Source Hardware) et décentralisée, donc potentiellement à des échelles importantes. Cette thèse a mobilisé des classes et leurs enseignants, des ingénieurs et des computer scientists, des professionnels de santé et a nécessité des échanges avec le monde de l'interface homme-machine. L'interdisciplinarité a été centrale dans cette thèse et déterminante en ce qui concerne la méthode de recherche et l'analyse des résultats. Les résultats de ce travail ouvrent de nombreuses perspectives pour la santé, l'éducation et la recherche, fondamentale ou clinique. |