Mots clés |
Peste, Yersinia pestis, Yersinia pseudotuberculosis, Facteurs de virulence, Flagelline, Motilité flagellaire, Système de sécrétion de type III, Variation de phase, Régulation, Sliding |
Resumé |
En tant que source de pandémies mondiales, la peste a tué des millions de personnes au cours de trois grandes vagues pandémiques depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. L'agent causal Yersinia pestis est une bactérie Gram-négative présentant l'une des virulences les plus extrêmes dans la nature. Bien que très similaire sur le plan génétique, son ancêtre récent Yersinia pseudotuberculosis diffère par son mode de vie et par sa virulence, ce qui fait du genre Yersinia un modèle fascinant pour étudier l'évolution de la pathogenèse bactérienne. L'armement pathogène commun aux deux espèces repose principalement sur la présence d'un Système de Sécrétion de Type 3 (T3SS) et d'un Ilot de Haute Pathogénicité (HPI). Alors que le HPI chromosomique confère une capacité élevée à capturer le fer, le T3SS est codé sur le plasmide pYV/pCD1 et englobe à la fois un système d'injection de protéines appelé injectisome et une série d'effecteurs appelés Yersinia Outer Proteins (Yops). Une relation évolutive existe entre l'injectisome et l'appareil flagellaire, dont le fonctionnement repose également sur une sécrétion de type III. Y. pseudotuberculosis est motile grâce à un flagelle alors que Y. pestis ne l'est pas. Un petit nombre de mutations, dont un décalage de cadre dans le régulateur maître du système flagellaire flhD, explique le manque de motilité du bacille de la peste, malgré la présence d'un système flagellaire presque complet. Dans ce travail, nous avons étudié le rôle dans la peste du locus fliC codant pour la signature bactérienne flagelline, une partie du système flagellaire que l'on croyait inactive chez Y. pestis. De manière très intéressante, nous avons mis en évidence un rôle du locus fliC dans la pathogenèse, en partie dû à une régulation de plusieurs facteurs de virulence, dont la pseudocapsule F1 et le T3SS. Nous montrons aussi dans ce travail que les Yersinia pathogènes peuvent moduler leur virulence au moyen d'un processus de commutation phénotypique impliquant un réarrangement génétique dans le gène yscP, un gène dont le produit YscP contrôle la sécrétion de type 3, et l'émergence ultérieure d'un phénotype T3S négatif. Nous émettons l'hypothèse que dans la nature, la sous-population de Y. pestis T3S négatif contribue au maintien d'une infection de faible niveau entre les épizooties. Enfin, des études sur les systèmes flagellaires nous ont également conduit à identifier un phénomène de motilité jusque-là non décrit chez Y. pseudotuberculosis. Ce type de motilité se produit principalement à 37°C (la température de l'hôte), alors qu'il est réprimé à basse température. Il suit donc un modèle de dépendance à la température qui est opposé à celui précédemment observé pour les mécanismes de 'swimming' et de 'swarming'. |