Resumé |
Récemment, le dogme d'Henri Tissier concernant la stérilité du milieu in utero a été remis en question. En effet, des bactéries ont été observées dans le méconium, le liquide amniotique, les membranes foetales, le cordon ombilical ainsi que dans le placenta, hors contexte infectieux. L'analyse par biologie moléculaire a, par la suite, suggéré la présence d'un microbiote placentaire pauvre mais spécifique. Plusieurs origines ont été proposées comme une origine buccale, intestinale ou vaginale. De plus, bien que son rôle physiologique soit méconnu, des profils microbiens particuliers ont été associés à des complications de la grossesse. Enfin, l'établissement du microbiote est reconnu par le concept de l'origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD) comme une étape déterminante pour la santé future du bébé et il pourrait donc débuter avant la naissance. Malgré ces travaux, le microbiote placentaire est au centre d'une controverse. En effet, certaines études ont démontré que la quantité d'ADN bactérien retrouvée dans le placenta et dans le liquide amniotique était similaire à celle retrouvée dans des contrôles négatifs. Devant les possibles modifications de prise en charge de la grossesse (antibiotiques, probiotiques, prébiotiques), des études supplémentaires sont nécessaires afin de répondre à cette question : existe-t-il un microbiote placentaire ? Ainsi, 61 femmes enceintes ont été recrutées dans 3 maternités (Port Royal, Béclère et Sainte Félicité) afin d'étudier l'existence du microbiote placentaire. Certaines d'entre elles (n = 15) ont présenté une complication de grossesse (retard de croissance intra utérin, pré-eclampsie, naissance prématurée, diabète gestationnel, par exemple). Trois protocoles de prélèvements ont été testés (césarienne avec Alexis®, un anneau rétracteur de plaie permettant d'éviter le contact cutané, césarienne et voie basse) et plusieurs zones de l'environnement in utero ont été échantillonnées (plaque choriale, décidue, villosités placentaires, membranes foetales et cordon ombilical). Après différentes mises au point de protocoles, la communauté bactérienne dans chaque zone échantillonnée a été analysée à l'aide de quatre techniques : la culture, la PCR, la qPCR et la métagénomique. Par culture bactérienne, une colonisation occasionnelle et pauvre par des espèces habituellement associées à l'environnement ou au microbiote cutané, a été observée dans les échantillons prélevés après césarienne avec ou sans Alexis®, suggérant une probable contamination. En revanche, une colonisation systématique des échantillons situés à l'extérieur du placenta (plaque choriale, décidue, membranes foetales, cordon ombilical) a été mise en évidence après un accouchement par voie basse. De plus, ces échantillons présentent des bactéries généralement retrouvées au sein du microbiote vaginal ou fécal, suggérant de nouveau une probable contamination. Enfin, aucun profil microbien particulier n'a été identifié, au sein des échantillons issus de grossesses avec complication. L'analyse par biologie moléculaire (PCR, qPCR et métagénomique) n'a pas mis en évidence une quantité d'ADN bactérien plus importante au sein des villosités placentaires que dans les contrôles négatifs. Seules les membranes foetales prélevées après naissance par voie basse et analysées par qPCR ont montré une quantité d'ADN plus importante que dans les contrôles négatifs. En conclusion, les résultats de culture indiquent que les bactéries présentes dans le milieu in utero proviennent de contamination lors de la délivrance. De plus, les données de biologie moléculaire ne permettent pas de distinguer l'ADN bactérien contaminant de l'ADN bactérien à l'intérieur du placenta. Ainsi, en utilisant plusieurs techniques, nous n'avons pas mis en évidence la présence d'une communauté bactérienne suffisamment importante pour soutenir l'existence d'un microbiote placentaire. |