Mots clés |
Variabilité individuelle, Input parental, Babillage, Perception de la parole, Nourrisson, Vocabulaire |
Resumé |
La majorité des enfants apprennent rapidement leur langue maternelle, mais la trajectoire de leur acquisition varie d'un enfant à l'autre. C'est le cas par exemple pour la vitesse d'acquisition du vocabulaire, mais aussi pour certaines capacités précoces de perception de la parole. Des travaux menés en psycholinguistique ces deux dernières décennies ont commencé à étudier ces différences individuelles, cherchant d'une part à évaluer les facteurs qui prédisent ces différences, et d'autre part à comprendre comment ces différences impactent l'acquisition ultérieure du langage, notamment du vocabulaire. Ces études ont porté essentiellement sur la deuxième année de vie. L'objectif de cette thèse est de poursuivre ce travail dans le cadre de la première année. Il s'agit de mieux caractériser la variabilité individuelle dans trois capacités de traitement précoce, de préciser certains prédicteurs de ces capacités, et d'évaluer l'impact de la variabilité individuelle sur le vocabulaire à 12 mois. Les capacités qui nous ont intéressées sont : (1) le traitement audiovisuel de la parole à 4 et 8 mois, et plus spécifiquement l'attention relative portée par les enfants aux yeux et à la bouche d'un visage qui parle ; (2) la segmentation de formes sonores de mots d'un flux continu de parole sur la base de probabilités de transition entre les syllabes à 8 mois ; et (3) la reconnaissance de formes sonores de mots familiers à 12 mois. Les prédicteurs que nous avons évalués sont liés à la quantité d'input parental et aux capacités de production précoce des nourrissons. Pour cela, des enregistrements d'une journée complète réalisés dans l'environnement naturel des enfants ont été collectés à 4, 8 et 12 mois à l'aide d'un enregistreur porté par les enfants. Trois mesures quantitatives en ont été extraites : (1) le nombre de mots entendus par les nourrissons, (2) le nombre de tour de parole entre un parent et son enfant et (3) le nombre de vocalisations des nourrissons. De plus, une mesure qualitative de (4) babillage (inventaire des sons produits) a été prise aux âges de 4 et 8 mois grâce à des questionnaires parentaux. Concernant les liens entre input et capacités précoces, les résultats montrent que plus d'input parental à 4 mois est lié à un meilleur traitement auditif (segmentation de la parole à 8 mois et reconnaissance de formes sonores des mots à 12 mois) mais non au traitement audiovisuel de la parole. De plus, plus d'input parental à 8 mois est lié à plus de vocabulaire en compréhension à 12 mois. La quantité de tours de parole n'est pas liée aux capacités explorées, mais plus de tours de parole est lié à plus de vocabulaire en production à 12 mois. Concernant les liens entre production et capacités précoces, la quantité de vocalisations ne semble jouer qu'un rôle mineur dans les capacités précoces (restreinte au traitement audiovisuel de la parole) et n'est pas liée au vocabulaire à 12 mois. Par contre, un répertoire de babillage plus riche à 8 mois est lié au traitement auditif (meilleure segmentation de la parole) et audiovisuel (moins d'intérêt pour la bouche) de la parole au même âge et, dans une moindre mesure, aux capacités de traitement des mots à 12 mois. Un babillage plus élaboré à 4 et 8 mois est également lié à plus de vocabulaire en production à 12 mois. Enfin, concernant les prédicteurs du vocabulaire précoce, les résultats montrent que les enfants qui regardent le plus la bouche et qui ont de meilleures capacités de segmentation à 8 mois ont plus de vocabulaire en production à 12 mois. Mis ensemble, nos résultats permettent de mettre en avant qu'il existe des liens très précoces entre la quantité d'input parental, le traitement de la parole et le vocabulaire. Ces résultats soulignent également l'importance d'explorer le développement des productions précoces des enfants en lien avec le traitement de la parole et l'acquisition du vocabulaire au cours de la première année de vie. |