Resumé |
Les transformations de l'État social au Chili, suite à la restructuration politico-économique consubstantielle à la dictature militaire (1973-1990), ont fait l'objet d'un intense débat. Cependant, les transformations survenues depuis 1973 dans la relation entre l'État, le marché et la société civile, concernant l'accès aux droits, sont à situer dans une structure de distribution inégale des droits qui s'est forgée tout au long du XXe siècle. Cette philosophie de l'État social, et son rapport aux individus, se caractérise par la classification des bénéficiaires : des porteurs de droits et des récepteurs de l'assistance. Ce système s'organise à partir de la configuration de deux voies d'accès à la protection, en relation directe avec la participation au marché et se caractérise par la dimension privatisée de la conception de la solidarité, soit à travers la famille soit à travers la philanthropie. Le processus de néo-libéralisation introduira trois inflexions dans ce modèle : la libéralisation des secteurs sociaux qui va perfectionner le système de collaboration public-privé ; la technocratisation de la prise de décisions et de l'intervention ; le changement de la nature du ciblage comme mécanisme de justice sociale. Ainsi, le modèle de distribution inégale des droits, majoré par la mise en place de l'État résiduel pendant la dictature puis par la sophistication des politiques de ciblage pendant la démocratie, va prendre forme, notamment sur le plan de la gestion sociale de l'enfance. Les politiques de la santé, de l'éducation et de la protection spécialisée reflètent ce modèle de continuité et les inflexions néolibérales. Il s'agit de la reconfiguration de l'État social sous tension : le rôle fort régulateur qui accompagne la libéralisation des secteurs sociaux est ancré progressivement dans un discours des droits sociaux qui fait écho aux processus de démocratisation vécus par le pays, à partir de 1990. L'objectif de cette recherche est de réfléchir sur les formes que l'État social adopte à partir de la restructuration politico-économique du pays ainsi que de retracer ces transformations dans un cadre sociopolitique et historique. De cette façon, nous nous consacrerons à l'analyse des reconfigurations du social et du politique dans la nouvelle donne, à partir de l'étude des politiques sociales menées envers l'enfance. |